Quand le Trésor américain étudie les innovations financières des banlieues pauvres de Delhi

La nuit est tombée depuis un moment sur ce quartier pauvre du sud de Delhi. Selim remballe les fruits qui restent sur la charrette qui lui tient lieu de boutique. Avant de rentrer chez lui, cet homme d'une trentaine d'années passe déposer sur son compte en banque les 20 roupies (30 centimes d'euro) qu'il a économisées sur sa recette du jour. Il pousse la porte du petit horloger de quartier devant lequel est installée sa charrette, remet ses 20 roupies à son ami Anil Kumar. Celui-ci tape sur son téléphone portable le numéro de mobile de Selim ainsi que le montant déposé : et voilà crédité le compte détenu par le marchand de fruits chez State Bank of India, la plus grande banque indienne.Selim a beau ne gagner que 100 roupies (1,6 euro) les bons jours, il dispose en effet d'un compte à la prestigieuse SBI ? sans avoir jamais franchi les portes d'une agence. Celui-ci est entièrement géré par l'intermédiaire de son téléphone portable et de celui du correspondant de la banque, l'horloger Anil.Ce dispositif monté par Eko est tellement prometteur que, de passage à New Delhi pour 24 heures mardi dernier, Timothy Geithner, le secrétaire américain au Trésor, a pris le temps de se rendre dans les quartiers pauvres de la capitale pour le voir opérer. Ce qui lui a permis de souligner les capacités de l'Inde en matière d'innovations financières, et aussi de récolter quelques idées. Car la délégation américaine n'a pas caché qu'elle comptait bien retirer des enseignements des pratiques de l'Inde en matière d'accès des populations pauvres aux services financiers : environ 17 millions d'Américains n'ont pas de compte en banque et les autorités du pays cherchent le moyen de remédier à cette situation.On ne sait pas encore si Eko sera appelé à s'implanter dans les quartiers difficiles de Chicago et Detroit, mais les atouts du système sont clairs, et avant tout sa simplicité. « Tout ce dont le client a besoin, c'est d'un téléphone portable et de savoir taper des chiffres », explique Anand Raman, directeur marketing d'Eko. Si Selim qui, grâce à ce service, peut mettre à l'abri ses économies quotidiennes, veut récupérer de l'argent, son voisin horloger le lui fournit, son compte étant débité par quelques manipulations sur le portable de ce dernier. Un travailleur migrant veut-il envoyer des fonds à sa famille restée à la campagne ? Il tape sur son clavier le numéro de portable de son épouse et le montant à transférer.passer à la vitesse supérieureCe dispositif permet d'arriver à des coûts de fonctionnement très faibles. « Une transaction en agence coûte 95 roupies et un retrait en distributeur de billets 18 roupies, affirme Anand Raman. Nous, nous allons arriver à 2 ou 3 roupies ». Créé en 2007, Eko compte 33.000 clients et emploie 250 agents distributeurs à Delhi et une centaine dans deux Etats de l'Est. La Fondation de Bill Gates a fourni plus d'un million de dollars pour l'aider à démarrer. Tout le problème est maintenant de passer à l'échelle supérieure. Eko envisage de faire payer une petite contribution mensuelle à ses clients et surtout cherche à lever des fonds pour financer son développement. La publicité fournie par le secrétaire au Trésor devrait aider... Patrick de Jacquelot, à New Delh
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