L'Afrique du Sud, puissance naissante

L'Afrique du Sud a peu de chances de rééditer l'exploit de la Coupe du monde de rugby de 1995 qu'elle avait remportée chez elle, sous les applaudissements de Nelson Mandela, un an seulement après la chute de l'apartheid. Les bookmakers ne donnent pas cher des Bafana Bafana, l'équipe sud-africaine, qui débute aujourd'hui la Coupe du monde de football contre le Mexique. Affaibli par l'âge, Nelson Mandela devrait néanmoins assister au match d'ouverture.Mais pour l'Afrique du Sud, les enjeux de ce Mondial, le premier organisé sur le continent africain, sont ailleurs. « L'enthousiasme et l'excitation qui ont envahi la nation tout entière ces dernières semaines n'avaient pas été vus depuis que le président Nelson Mandela a été libéré de prison (en 1990) », se félicitait il y a quelques jours le président Jacob Zuma. « C'est de bon augure » pour la construction d'une nation soudée, ajoutait le chef de l'État.Seize ans après la fin du régime de l'apartheid, l'Afrique du Sud reste un pays divisé. La césure est désormais surtout économique, opposant de plus en plus une classe moyenne comptant des Noirs et des Blancs et des laissés-pour-compte du « miracle » sud-africain, noirs pour la plupart. L'Afrique du Sud reste une économie duale où la misère d'une grande partie de la population - un quart d'entre elle est au chômage - coexiste avec des entreprises de taille mondiale (Sab Miller, Anglo American...).Médiateur« Le Mondial est un enjeu d'image considérable pour l'Afrique du Sud », souligne Thierry Vircoulon, chercheur associé à l'Ifri (Institut français des relations internationales), spécialiste de l'Afrique australe. « Il s'agit de prouver au reste du monde que le pays est capable d'organiser le plus grand événement sportif au monde, qu'il dispose d'une économie moderne, et qu'il s'agit donc d'une puissance avec laquelle il faut compter. »Avec une audience annoncée de trois milliards de téléspectateurs, le moindre faux pas serait catastrophique pour le pays hôte, qui aimerait tant faire oublier ses cinquante homicides par jour. Les effectifs de police ont été considérablement renforcés pour atteindre 180.000 personnes.Pour l'Afrique du Sud, il s'agit également d'asseoir son rôle de leader régional. L'armée sud-africaine, la plus professionnelle du continent, participe à de nombreuses missions de maintien de la paix de l'Union africaine (Darfour, Burundi, RDC, Comores...). Et Pretoria s'efforce de jouer les médiateurs dans de nombreux conflits. C'est également un important pourvoyeur d'aides du continent via la Banque de développement d'Afrique australe.Mais les préoccupations de Pretoria vont bien au-delà des rives du continent. Le pays se prononce régulièrement sur tous les grands sujets internationaux, de la crise israélo-palestinienne à l'OMC en passant par le réchauffement climatique. L'Afrique du Sud, qui se considère comme une puissance émergente, a ainsi envoyé deux équipes de secours à Haïti. Seul pays africain membre du G20, Pretoria réclame aussi un poste au Conseil de sécurité permanent de l'ONU.Avec l'Inde et le BrésilL'Afrique du Sud a également formé un axe stratégique avec l'Inde et le Brésil dans le cadre du forum « IBSA » qui leur permet d'arrêter des positions communes. Le succès n'est pas toujours au rendez-vous. L'ancien président Thabo Mbeki, qui avait lancé le concept de « Renaissance africaine », a toutefois reconnu que le pays boxait parfois en dehors de sa catégorie.Mais plus qu'une élimination des Bafana Bafana dès la fin des poules, le président Jacob Zuma devra gérer l'après-Coupe du monde. « Si rien n'est fait en faveur de la grande majorité de Sud-Africains qui continuent de vivre dans la pauvreté, il y a un vrai risque d'explosion sociale », estime Marianne Séverin, chercheur associé au Centre d'étude d'Afrique noire de Bordeaux. Les syndicats de la fonction publique menaçaient hier de se mettre en grève pendant la Coupe du monde. Le principal danger qui guette aujourd'hui l'Afrique du Sud est la montée en puissance des thèses populistes comme en témoigne le succès d'un Julius Malema, qui dirige à la ligue des jeunes de l'ANC. Il a notamment vanté la politique de réforme agraire du président du Zimbabwe Robert Mugabe dont il partage la rhétorique du complot néocolonialiste. Ses positions ont été condamnées par l'ANC et Jacob Zuma, mais le succès de ses thèses indique que les discours populistes peuvent trouver un terreau fertile. n
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