« Les agences bancaires vont connaître une révolution »

À la fois banquier et assureur, Jacques Lenormand porte un regard prospectif sur les enjeux stratégiques et marketing du secteur financier.Vous avez orchestré plusieurs repositionnements dans la banque et l'assurance. Y a-t-il une recette du succès ?Pour conduire un retournement stratégique, il faut décider vite, puis corriger ensuite. Le diagnostic des 100 premiers jours est fondamental. Il faut qu'il soit précis. Ensuite, il faut lancer le projet très rapidement en créant un effet de souffle, et donner aux collaborateurs des poches de succès périodiques. Cela implique d'être partout, de tout surveiller. C'est énormément de travail. La communication interne et externe est le levier principal que j'ai utilisé aussi bien à La Poste, chez MMA ou chez LCL.Vous avez privilégié l'humour dans la communication publicitaire. N'est-on pas allé trop loin ?Quand je suis arrivé dans le monde de l'assurance, j'ai été immédiatement surpris par le côté sérieux et triste des campagnes. Voir ces marques chercher à inspirer le désir en se présentant comme des marchandes de malheur, cela me semblait aberrant. Je me suis dit que MMA devait incarner ce que j'avais appelé « l'assureur bonheur ». En termes publicitaires, cela a donné : « Zéro tracas, zéro blabla ». Pour la Maaf, j'ai opté pour un autre positionnement : offrir le meilleur rapport qualité-prix. Le saut créatif s'est exprimé notamment à travers le slogan : « Efficace et pas chère, c'est la Maaf que je préfère. » Cela correspondait bien à la stratégie de la Maaf.La publicité doit-elle forcément coller à la stratégie ?Oui. La stratégie publicitaire doit véritablement refléter la stratégie de l'entreprise. Si tel n'est pas le cas, on peut avoir les campagnes les plus créatives au monde, dépenser beaucoup d'argent, mais le message ne passera pas.Cela vaut pour les banques aussi ?Quand je suis revenu au Crédit Agricole en 2005, les analystes nous invitaient à abandonner la marque Crédit Lyonnais et à fusionner les réseaux. On a alors dépensé beaucoup d'argent et de salive pour démontrer que nous pouvions atteindre la taille critique nécessaire avec une « usine » commune et des marques très différenciées.Si la Fédération bancaire vous demandait de réfléchir à une campagne pour redresser l'image des banques après la crise, que conseilleriez-vous ?Je ne sais pas si cela relève d'une logique collective. Globalement, toutes les banques ont vu leur image affectée pendant la crise. Et cela change la donne en matière de communication pour chacune d'entre elles. Il leur faut désormais appuyer leur communication sur la logique de la preuve. La solidité de la banque et la transparence des produits sont deux exigences pour les clients. Ils sont demandeurs d'engagement.Les établissements financiers ont-ils des offres suffisamment innovantes ?L'innovation des offres existe dans les activités de services comme la banque. La difficulté tient au fait qu'on est plus vite copié. L'innovation peut aussi venir du positionnement car il est possible de se différencier en jouant sur son image, sur sa marque. L'avenir des banques repose, à mes yeux, dans le rôle que devra jouer demain le réseau des agences. Les banques ont vécu et développé un modèle d'agence généraliste pour tous les clients, tous les produits. Or, progressivement toutes les tâches simples seront faites sur Internet ou smartphone. Dans les cinq ans qui viennent, les services bancaires en ligne - fixe et mobile - vont exploser. Les clients pourront tout faire en ligne, y compris souscrire des contrats et même les signer. Cela va remettre fondamentalement en cause le rôle des agences. En France plus qu'ailleurs, on a favorisé l'émergence de réseaux reposant sur la proximité. Ce temps-là est, selon moi, révolu.Les agences bancaires de proximité vont-elles disparaître ?La notion d'agence de proximité va changer. Les clients qui viendront demain dans une agence seront moins nombreux mais ils le feront parce qu'on leur permettra d'y rencontrer des spécialistes au moins dans trois domaines : le crédit, la retraite et les assurances de la personne. Le canal des agences va connaître une vraie révolution. Il va falloir changer les modes de formation, de management et les lignes de produits.Les agences vont-elles proposer de nouveaux services ?Un marché est en train de se créer, celui de la sécurisation. Les premières étapes ont été l'assurance, puis l'assistance. Les clients sont prêts maintenant à « l'assumance », c'est-à-dire qu'on les aide à assumer leurs problèmes de toute nature : des examens médicaux, en passant par les démarches administratives, le coaching ou même le relooking. La difficulté est que certains de ces services ne sont pas rentables pour le moment. Il faudra du temps pour que ces services montent en puissance comme le montre le difficile démarrage des services à la personne. Mais il faut se rappeler qu'au début, la carte bancaire a nécessité des investissements colossaux en termes de marketing et de technologie. Et elle a mis vingt ans à s'installer. Il faut accepter une phase d'apprentissage pour les nouveaux produits mais, en tant qu'établissement, on ne peut pas attendre que l'offre soit mûre pour se lancer, car il est dans ces cas-là très compliqué de rattraper son retard.
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