Interdire certaines professions aux parlementaires, oui mais...

« Le Gouvernement proposera au Parlement d’interdire le cumul du mandat de parlementaire avec l’exercice de toute activité professionnelle, sauf exceptions mentionnées dans la loi. De manière symétrique, et dans un souci d’équité, les fonctionnaires élus au Parlement seront désormais placés en position de disponibilité, et non plus de détachement, pendant la durée de leur mandat ». C’est l’une des décisions fortes arrêtées le 10 avril en Conseil des ministres pour moraliser la vie politique et qui va donner lieu à un très prochain projet de loi. Il y a en fait trois volets différents dans cette proposition.Les fonctionnaires issus de la fonction publique auront une carrière \"gelée\"Le premier concerne les parlementaires issus de la fonction publique. A l’avenir, ils seront donc placés en disponibilité et non plus en détachement. Concrètement, ceci signifie pour ces députés, dans l’incapacité d’exercer leur profession, qu’ils ne bénéficieront plus de nouveaux droits à avancement ou pour la retraite, leur carrière sera « gelée » le temps du ou des mandats. Actuellement, l’Assemblée nationale (577 députés) comptent 45 fonctionnaires de la catégorie « A », 32 « hauts fonctionnaires », 38 retraités de l’enseignement, 15 retraités de la fonction publique, 22 enseignants du secondaire, 15 professeurs d’université.Les 32 avocats et 21 médecins pourront-ils encore être députés? Le deuxième volet concerne les parlementaires issus du privé. Il y a  notamment actuellement 38 députés qui occupaient des fonctions de cadres supérieurs du secteur privé, 32 avocats, 21 médecins, et 10 agriculteurs. On ne sait pas encore quel métier seront interdits (ou autorisés). Chaque groupe parlementaire doit réfléchir à cette question extrêmement complexe (le groupe PS, le plus important, doit se réunir mardi 16 avril). Mais la porte-parole du gouvernement, Najat Vallaud-Belkacen, a déjà clairement visé l’exercice de la profession d’avocat d’affaires – celle exercée à temps partiel par Jean-François Copé, le président de l’UMP ! – qui représente un trop grand risque de conflits d’intérêts. Et le président de la République, lui-même, a visé les médecins « qui travaillent pour les laboratoires ». Mais beaucoup d’autres métiers peuvent être potentiellement visés… Christian Jacob (UMP) a déjà clairement dénoncé le danger en estimant qu’il y avait un risque que seuls les fonctionnaires puissent être députés. « Or, ce qui fait la richesse de l’Assemblée, c’est d’y avoir des agriculteurs, des avocats, des médecins, etc. ». En fait, les parlementaires de droite comme de gauche sont très divisés sur la question.Limiter les actions de lobbying au sein de l\'AssembléeEnfin, troisième volet, le Gouvernement proposera également aux présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat que le Parlement interdise le cumul des fonctions de collaborateur parlementaire avec toute activité professionnelle rémunérée de lobbying, ou de conseil, et publie la liste des collaborateurs parlementaires. D’une manière générale, le Gouvernement invite à encadrer davantage l’activité des groupes d’intérêts, et leur publicité, qui ont récemment fait l’objet de plusieurs rapports parlementaires en ce sens. Là aussi, l’exercice s’annonce délicat dans les faits,  même si l’intention est louable. Il s’agit d’empêcher les trop voyantes actions de lobbying au sein de l’Assemblée…. Quand les députés présentent des propositions de loi rédigées « clés en mains » par des collaborateurs rémunérés par tel ou tel groupe de pression, (association patronale, laboratoires, fédérations d’agriculteurs, etc.). Certes, les abus trop voyants pourront être supprimés. Mais il sera beaucoup plus difficle de contrôler des « montages » plus opaques… Rien n’empêchant  le collaborateur d’un parlementaire de posséder en son nom (ou bien, mieux encore, en confiant l’affaire à un tiers) une société de communication gérant les intérêts de telle ou telle profession ou groupe de pression. 
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