« ? La France est l'un des meilleurs pays pour la recherche »

La pandémie de grippe A a entraîné de nombreuses polémiques en France. En a-t-on trop fait ?À mon avis oui. Il est devenu très difficile de prendre des décisions politiques en matière de santé publique sans se référer au principe de précaution inscrit dans la Constitution. Si j'avais été à la place des hommes politiques, j'aurais évidemment acheté des doses de vaccins, mais peut-être en nombre moins important. En revanche, je n'aurais pas écarté les médecins et les pharmaciens. Il y a eu une erreur à la fois politique et de santé publique.La méfiance vis-à-vis du vaccin lui- même vous a-t-elle étonné ?Il s'agit là pour moi d'un faux débat. Je me fais vacciner depuis quarante ans contre la grippe, avec ou sans adjuvant. Ce vaccin ne protège pas à 100 %, ce n'est pas nouveau, mais c'est le seul à pouvoir arrêter une épidémie.Que pensez-vous de la polémique sur le rôle des experts ?J'estime qu'ils ne doivent pas toujours être écoutés. En revanche, c'est pour moi une évidence : les experts sur une pathologie sont tous plus ou moins conseils des laboratoires pharmaceutiques. Il est difficile de développer une approche vaccinale sans s'entourer des meilleurs mondiaux dans la profession. J'ajoute qu'à l'Institut Mérieux, le rôle des experts n'a jamais été d'avaliser nos décisions mais de nous aider à les prendre.Ces polémiques ont mis en lumière la défiance de l'opinion publique : est-ce nouveau ?Oh non, il y a toujours eu une grande défiance vis-à-vis de l'industrie pharmaceutique. Mais nous avons aujourd'hui beaucoup plus de mal à faire comprendre à l'extérieur le bien-fondé des nouvelles technologies. Maintenant, ce sont les nanotechnologies qui cristallisent la méfiance. Mais c'est une réaction plus subversive que scientifique. Ces mêmes personnes qui critiquent seront peut-être contentes, un jour, d'avoir des proches soignés grâce à ces nouvelles approches.Des groupes comme le vôtre peuvent-ils apporter leur caution à des industriels de l'agroalimentaire ?Nous travaillons déjà beaucoup avec Danone. Ils ont aussi compris avant les autres qu'il était nécessaire de faire de la quantité de masse à bas prix, tout en gardant un équilibre économique. Je partage la vision humanitaire de Franck Riboud selon le slogan « no profit, no loss ». Dans les pays en développement, nous sommes souvent plus présents via nos fondations [la Fondation Mérieux lutte contre les maladies infectieuses, Ndlr] que nos activités industrielles. C'est d'ailleurs pour cela que l'approche de nos fondations ne peut pas être uniquement médicale mais doit être globale : enseignement, alimentation, eau, microcrédit, agriculture locale... vont de pair.Vous vous intéressez beaucoup à la Chine. Quelles opportunités y voyez-vous ?Nous sommes présents en Chine depuis vingt-deux ans. D'abord via un laboratoire d'État chinois qui travaille sur les pathogènes émergents, en particulier dans les virus respiratoires. Et avec un deuxième laboratoire à Shanghai au Fudan Cancer Hospital. Initialement prévu pour servir au groupe de diagnostic BioMérieux, il va être étendu à la biotech Transgene lors du renouvellement de notre partenariat avec la Chine, dans quelques semaines.À l'heure des états généraux de l'industrie, la France a-t-elle encore un avenir en la matière ?La France me semble avoir changé par rapport à ce qu'elle était il y a cinq ans. Mon fils Christophe a été leader sur les pôles de compétitivité, avec le Biopôle de Lyon en 2005. Et le crédit d'impôt recherche est un outil fantastique : il a permis à BioMérieux d'économiser 12 millions d'euros l'an dernier. La France est certainement aujourd'hui l'un des meilleurs pays pour faire de la recherche en termes de fiscalité et d'environnement.De nombreuses sociétés de biotechnologies recherchent des financements : cela vous tente-t-il ?C'est dans cette optique que nous avons créé en décembre Mérieux Développement, qui vise à accompagner des start-up biotech en prenant des tickets de 1 à 2 millions d'euros dans des structures encore trop petites pour intéresser des sociétés industrielles. Nous y avons alloué 70 millions d'euros pour les cinq ans à venir. L'objectif est de trouver les briques technologiques qui nous manquent et peut-être aussi de nouvelles pistes de travail pour le futur. Nous regardons des dossiers avec le CEA de Grenoble, mais aussi des structures au Québec, en Chine et en France. Cette partie amont est plus risquée mais incontournable.BioMérieux et Transgene sont détenues à 59 % et 55 % par l'Institut Mérieux. Est-ce tenable ? Envisagez-vous d'autres investissements ?Nous tenons aujourd'hui à rester majoritaires, même si ces sociétés sont cotées en Bourse. Cela permet de rester orientés à long terme. Sans cela, Transgene, créé en 1997, serait mort depuis longtemps... C'était un pari fou que celui des vaccins thérapeutiques mais je pense que nous allons le gagner. Nous avons investi plus de 250 millions d'euros dans cette affaire. Aujourd'hui, la vente de Shantha en Inde [société de vaccins cédée à Sanofi en juillet 2009 pour 550 millions d'euros, Ndlr] nous permet d'avoir la capacité de refinancer Transgene [l'Institut Mérieux va souscrire à 55 % à l'augmentation de capital de 100 à 150 millions d'euros annoncée en mars, Ndlr] et Silliker. Pour le moment, nous allons nous concentrer sur nos trois secteurs qui ont en commun la biologie. Cela dit, je reste très pragmatique : si, un jour, nous nous rendons compte qu'une de nos sociétés a besoin de s'appuyer sur un grand du secteur, nous le ferons. Mais aujourd'hui, nos sociétés seraient freinées si elles étaient dans le giron d'un mastodonte. n
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