Le contrat de travail peut être autosuspendu

Un salarié peut déjà prendre acte de la rupture de son contrat de travail. Après cet autolicenciement, une nouvelle menace juridique pèse sur l'employeur : l'autosuspension. Dans un arrêt du 23 juin dernier passé inaperçu, la chambre sociale de la Cour de cassation vient de reconnaître ce nouveau droit au salarié si son employeur n'a pas rempli ses engagements. « Le refus d'un salarié de reprendre le travail peut être légitimé par un manquement de l'employeur à ses obligations », a considéré la haute juridiction.Dans les faits, une personne avait été engagée le 1er août 2001 comme chauffeur routier par une société de transports. Quelques années plus tard, le 23 janvier 2004, la société décide de le mettre à pied à titre conservatoire. Après convocation à un entretien préalable, le salarié fait l'objet, le 4 février 2004, d'une mise à pied disciplinaire. Contestant le bien-fondé de cette décision, il refuse de reprendre son poste tant qu'il n'aura pas été payé des salaires correspondant à la période de sa mise à pied. Il est alors licencié pour faute grave le 20 février 2004. Le salarié saisit la justice pour licenciement abusif.Dans un arrêt du 18 septembre 2007, la cour d'appel de Chambéry a donné gain de cause au salarié. Elle a en effet considéré que la mise à pied n'était pas fondée par l'employeur. La société de transports n'a pas hésité à se pourvoir en cassation. Elle conteste en droit la possibilité pour son salarié de décider unilatéralement de suspendre son contrat de travail. Or la Cour de cassation n'a pas du tout suivi cet argument. Bien au contraire, elle reconnaît pour la première fois le droit au salarié de suspendre, de sa propre initiative, son contrat de travail lorsque son employeur n'a pas respecté ses obligations.contentieux en vueLa nouvelle jurisprudence risque d'ouvrir un nouveau contentieux dans lequel les syndicats de salariés ne vont pas manquer de s'engouffrer. Les employeurs, en particulier leurs responsables des ressources humaines, ont intérêt à être vigilants sur le respect des obligations. Un exemple ? Un employeur décide de manière unilatérale de changer son salarié de poste de travail. Il ne lui a pas demandé son avis. Il manque alors à une obligation. Un salarié sûr de son fait pourrait alors décider d'autosuspendre son contrat de travail. Autre exemple, un employé estime que son employeur ne respecte pas pour lui le principe de l'égalité de traitement. Il est susceptible d'annoncer à son responsable qu'il suspend son contrat de travail.Dans tous les cas de figure, l'employeur ne pourra pas rester les bras croisés. Il a deux options. Soit il reconnaît son manquement à l'obligation en question et rétablit le salarié dans ses droits. Et il va lui verser notamment les rémunérations non perçues durant la période de suspension du contrat de travail. Soit l'employeur estime avoir rempli correctement son obligation contestée par le salarié et donc le licencie pour absence injustifiée de son poste de travail. Dans cette seconde hypothèse, l'issue risque de se terminer devant la justice prud'homale. S'il dispose d'éléments objectifs et sérieux, le salarié sera tenté de contester son licenciement et d'invoquer le manquement à une obligation de la direction de l'entreprise.Il est donc indispensable d'avoir à l'esprit cette nouvelle jurisprudence de la Cour de cassation sur le droit à l'autosuspension du contrat de travail. D'autant que, crise oblige, si beaucoup de managers se démènent dans l'urgence pour assurer la survie de leur entreprise, il peut leur arriver d'« oublier » ou de « négliger », parfois, leurs obligations en droit du travail. Frédéric Hastingssocial
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