L'éditorial de Sophie Gherardi : Frêche et les « Parisiengs »

L'affaire Frêche est une triste histoire. Elle se terminera par la victoire du président sortant du conseil régional de Languedoc-Roussillon aux élections des 14 et 21 mars. Mais sans gloire pour quiconque. La puissance politique de Georges Frêche est intacte, elle repose sur plusieurs piliers : le clientélisme, l'intimidation, le populisme tous azimuts et l'antiparisianisme. Il y a peu de chances que l'intervention de Martine Aubry ébranle aucun de ces piliers. Au contraire, le discours sur « ces Parisiengs qui viennent nous donner des leçons », qui ne demande qu'à ressortir à la moindre occasion, a retouvé de la vigueur. Sans parler de la démocratie bafouée, le vote des militants étant compté pour rien. Il y a autre chose : là-bas, en Languedoc-Roussillon, Georges Frêche jouit d'une admiration sincère. Parce qu'il a transformé Montpellier de cité somnolente en ville d'avenir. Parce qu'il a fait de sa région un pôle d'attraction : elle n'est toujours pas très riche comparée à d'autres, mais elle est pleine de jeunesse et d'espoir. Il y a autre chose encore : il faut regarder la région d'assez loin pour penser que Georges Frêche est de droite. Il a toujours fait du social, a misé sur l'éducation, le logement, l'accueil d'une population nouvelle. La droite, dans ces parages, ce n'est pas du tout ça, même si la tentative de Frêche de faire renaître une mythique « Septimanie » en lieu et place du Languedoc-Roussillon sentait un peu son localisme régressif. Faut-il pour autant passer l'éponge sur les fameux « dérapages » de Georges Frêche ? Non. Mais se souvenir que dans tout procès, l'accusé a droit à un avocat. Quelqu'un qui puisse rappeler que cet homme fut courageux quand il défendait l'indépendance de l'Algérie dans une fac de droit où régnait l'OAS ; qu'il fut maoïste avant que ce ne soit la mode (et pas au meilleur moment : en pleine révolution culturelle) ; qu'il a failli mourir d'un accident vasculaire cérébral et reste un homme malade. Un avocat qui cite non pas seulement quelques mots outrageants ou pouvant être interprétés comme tels, mais l'ensemble de la phrase dont ils sont tirés. Martine Aubry a peut-être rétabli brièvement son autorité dans l'appareil national du PS en rompant la trêve qu'elle avait acceptée avec le baron du Languedoc-Roussillon en vue des régionales. Mais que de dégâts ! La faiblesse des socialistes sur cette terre de gauche a été exposée au grand jour. Les « frêchistes », renforcés par l'« agression » parisienne, sont plus arrogants que jamais sur place et commencent à trouver des relais dans le PS. L'entre-deux tours ne sera pas glorieux pour la rue de Solferino.
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