Tunisie : les investisseurs s'impatientent face au flou politique

L\'assassinat de l\'opposant Chokri Belaïd a plongé la Tunisie dans une sévère crise politique sévère et les répercussions sur une économie en convalescence inquiètent les milieux d\'affaires. La proposition du Premier ministre Hamadi Jebali de former un gouvernement de technocrates divise son propre parti Ennahdha, et la coalition qu\'il dirige depuis sa victoire aux élections. Si Ettakatol s\'est prononcé en faveur d\'une telle option, en revanche le Congrès pour la République du président Moncef Marzouki a gelé les démissions de ces ministres.L\'agence de notation Fitch alarmisteParallèlement, Rached Ghannouchi, le leader du parti Ennahdha, mène une contre-offensive et propose un gouvernement d\'union nationale ouvert à d\'autres formations. Les partenaires sociaux, l\'organisation patronale, UTICA et la centrale syndicale, UGTT se sont rangés derrière le Premier ministre. Les négociations se poursuivent et l\'incertitude grandit.L\'agence de notation Fitch a été la première à tirer la sonnette d\'alarme : dans une note publiée la semaine dernière l\'agence de notation parle de « contretemps » de la transition tunisienne et prévient que la baisse de la note, déjà dégradée à BB- en décembre pourrait encore être dépréciée si « la violence sociale s\'étend et s\'intensifie, générant une déstabilisation politique et mettant en danger la transition ». Les analystes pointent aussi du doigt « l\'incapacité de former un nouveau gouvernement » ou la déstabilisation du gouvernement actuel.Sur le marché des valeurs tunisien, l\'assassinat a déjà eu des répercussions « Le marché a perdu en une séance 3,6% ; il s\'agit de la plus forte baisse depuis la veille de la Révolution, le 13 janvier 2011, explique Aïcha Mokkadem, analyste chez Tunisie Valeurs, cette séance a épongé tous les gains réalisés depuis le début de l\'année, qui avait connu une petite reprise avec un regain de confiance. »Perplexité des investisseurs étrangersAprès une amélioration au cours de l\'été, l\'année 2012 s\'est achevée dans le rouge, les derniers mois ayant été marqués par des événements violents comme l\'attaque de l\'ambassade des Etats-Unis à la mi-septembre 2012. Le retrait d\'un fonds d\'investissements américain qui était sur les rangs pour l\'appel d\'offre de la vente de 25% de Tunisiana, un des trois réseaux sans fil du pays, est l\'un des signes de la perplexité des investisseurs étrangers.Les hésitations de la classe politique et les interrogations sur la composition du futur gouvernement hypothèquent les grands chantiers qui devaient être finalisés. L\'adoption d\'un code d\'investissements, attendu par les investisseurs locaux et internationaux, devait être une question de mois : libéralisation de certains secteurs, transparence et simplification des procédures, incitations fiscales. De même, l\'adoption de la législation sur les partenariats publics-privés (PPP) est très attendue. C\'est une étape nécessaire pour attirer des investissements aux montants élevés vers les régions les moins développées. Autre attente également, l\'obtention d\'un prêt du Fonds monétaire international (FMI) de 2,7 milliards de droits de tirage (DT) (1,74 million d\'euros) qui pourrait être finalisé en mars.Hausse des investements étrangers en 2012Nourredine Zekri, directeur général de l\'Agence de promotion de l\'investissement extérieur tient à calmer ces diverses inquiétudes : « J\'ai rencontré ces derniers jours les représentants des chambres de commerce étrangères, ils comprennent que cet assassinat est un acte isolé, mais il est vrai qu\'il faut éviter d\'autres messages négatifs pour ne pas nuire à la perception du pays. » L\'an dernier, les investissements étrangers ont retrouvé du volume : en hausse de plus de 79%, ils ont contribué à créer 123 entreprises et à l\'extension de 185 autres, ce qui a permis de créer au total 10.000 emplois.« Ce qui intéresse d\'abord les investisseurs, c\'est de savoir si les ouvriers travaillent et si la logistique est assurée, car la plupart exportent vers l\'étranger », explique Nourredine Zekri, qui se félicite de l\'adoption le mois dernier d\'un pacte social qu facilite depuis les négociations entre partenaires sociaux. « La machine continue à tourner : les Douanes fonctionnent normalement, et les administrations et les experts travaillent sur les réformes prévues, même si le gouvernement doit changer», assure-t-il.L\'hypothèse d\'un gouvernement de technocrates séduit la BourseNéanmoins, pour les marchés financiers une issue politique doit être trouvée, et rapidement. La proposition d\'un gouvernement de apolitique de technocrates a été accueillie avec optimisme à la Bourse de Tunis la semaine dernière. Mais Aïcha Mokkadem de Tunisie Valeurs prévient : « Le marché accuse encore le choc, et les investisseurs sont en phase d\'observation. Si une solution politique tarde trop, s\'il n\' y a pas de visibilité sur l\'avenir, cela se traduira par une sanction, peut-être encore plus lourde qu\'il y a une semaine, en raison des attentes créées par la proposition d\'un gouvernement apolitique. »
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