Il se dégage aujourd'hui de Beyrouth un dynamisme et une éne...

Beyrouth, place des Martyrs. L'humanité tout entière tourbillonne ici. Dans les églises maronites, arméniennes, orthodoxes, les mosquées ou la synagogue. Dans les vestiges phéniciens, romains ou ottomans bientôt réunis en un jardin du Pardon. Il y a, à quelques pas de là, la place de l'Étoile conçue par les Français. La municipalité, de style ottoman. Le Gray, le plus bel hôtel de la ville, ultradesign. Des magasins de luxe à foison. La mer pour partir. Ou pour revenir. Des ruines de la guerre civile. Mais par quel bout prendre cette ville méditerranéenne en diable ? Aveuglée par la lumière du jour. Caressée par des reflets roses à la tombée de la nuit alors que les cloches sonnent et que résonne le chant du muezzin. Une cité arabe, fière, chaleureuse, hospitalière mais débarrassée du poids étouffant des traditions ou des diktats de la religion sur le quotidien. Oui, comment s'approprier cette cité à nulle autre pareille qui sait faire la fête dans les restaurants et les boîtes de Gemmayzeh, et profiter du présent ? En suivant ses artistes contemporains. Ville éprise de libertéLeurs ?uvres ou leurs conversations finissent par révéler les secrets d'une ville vibrant de mille et un projets, férocement attachée à sa liberté. Une cité qui a toujours refusé de disparaître. « Nous ne cédons jamais devant l'adversit頻, confie l'architecte et designer Sophie Skaf, qui nous entraîne des maisons art déco d'Ashrafieh aux palais italo-ottomans de Saifi Village.Les artistes donc. Les plus connus ont entre 35 et 45 ans et sont collectionnés par les plus grands musées internationaux. Ceux-là ont déboulé sur la scène artistique locale au lendemain de la guerre, à l'orée des années 1990. L'heure est alors à la reconstruction et tous veulent y prendre part. En essayant de comprendre ce qui s'était passé au cours du conflit. « Ils étaient en rupture totale avec leurs prédécesseurs et avaient des choses importantes à dire », raconte Nathalie Khoury, la directrice de la Sfeir-Semler Gallery de Beyrouth. « Ils sondaient tous les mêmes thèmes liés à la guerre et à la mémoire. La scène artistique, très cohérente, s'est constituée autour d'eux », se souvient Zeina Arida, la directrice de la Fondation Arabe pour l'Image (FAI). Walid Raad travaillait sur les symptômes du conflit en imaginant des fictions à partir de documents d'archives réels. Le photographe et vidéaste Akram Zaatari a eu une démarche quasi archéologique. Marwan Rechmaoui, lui, s'est focalisé sur sa ville, notamment à travers des installations figurant des immeubles emblématiques de Beyrouth.Des associations se créent dans la foulée pour les aider, souvent animées par les artistes eux-mêmes. Les designers peuvent compter sur Sophie Skaf. Les plasticiens sont soutenus par Christine Tohme de l'association Ashkal Alwane dont fait partie Marwan Rechmaoui. « Nous ne voulions plus dépendre des galeries qui nous prenaient 60 % de commission. Très vite nous avons réussi à subvenir à nos besoins pour produire les ?uvres d'artistes encore peu connus que nous exposions dans des lieux publics », rappelle ce dernier.Les photographes Akram Zaatari et Fouad El Koury, bientôt rejoints par d'autres, créent la FAI, et récupèrent auprès de familles et de photographes de studio du monde arabe des centaines de milliers d'images réalisées au XXe siècle. « Puisque l'État est incapable de remplir sa mission, nous la remplissons à sa place, explique Zeina Arida. La FAI a le rôle d'archives nationales. En même temps, je pense qu'il aurait été impossible de créer cette institution ailleurs dans la région. Il n'y a ici aucune censure. Nous avons récupéré beaucoup de nus, dont ces portraits de prostituées obèses. » Guerre et mémoireAvec les années, de nouvelles galeries ont vu le jour. Sfeir-Semler s'est installée dans un espace impressionnant de 1.000 m2 niché au c?ur d'une ancienne usine de métaux de Quarantine, une zone industrielle aux portes de la ville. Le Beyrouth Art Center, premier lieu non commercial dédié à la création contemporaine, a aussi opté pour un quartier, Jissr el Wateh, en bordure de la capitale libanaise. Débats, conférences, projections ou expositions consacrés aux artistes locaux et internationaux font le plein. Sans oublier la galerie Espace Kettaneh-Kunigk.Naila Kettaneh-Kunigk, sa propriétaire, s'est installée pour quelques années sur la colline de Hamra à Beyrouth West. C'est chez elle que se trouve la relève, dont elle s'escrime à produire les ?uvres. Comme Nadim Asfar qui sera exposé à Paris Photo. « Nos aînés nous ont libérés, avoue-t-il. Ils ont exprimé des choses sur la guerre et la mémoire. Cela nous permet de parler d'autres choses, plus intimes. » Mieux encore, ces aînés aident les plus jeunes. « Akram Zaatari a montré mon travail à Berlin, ce qui m'a permis d'y être expos頻, assure Roy Samaha, le benjamin de la galerie. « Ici, je me sens utile, résume Sophie Skaf. Et cela me donne envie de l'être encore plus. » La poétesse Nadia Tueni (1935-1983) ne s'y était pas trompée : « Beyrouth est en Orient le dernier sanctuaire où l'homme peut toujours s'habiller de lumière ». Yasmine Youssi eé-Beyrouth aux mains des artiste
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