Le déclin de l'Empire japonais du mobile

C'est l'enfant terrible de la téléphonie mobile japonaise. Takeshi Natsuno est à l'origine de la plupart des révolutions qui firent les beaux jours de l'opérateur nippon NTT Docomo. C'est lui l'inventeur de l'architecture « i-mode », plate-forme mobile Internet lancée en 1999 au succès phénoménal au Japon, et diffusée en France par Bouygues Telecom. Cette plate-forme dont le modèle repose sur un partage des revenus entre l'opérateur mobile et l'éditeur du service n'est pas sans rappeler l'AppStore, la boutique d'applications d'Apple au succès planétaire depuis un an.« L'i-mode est née du Minitel. Avec vous les Français, j'ai appris deux choses : comment fonder un système réellement populaire, accessible à tous ; et l'importance de la tierce partie. Je me suis dit : n'intervenons pas sur le contenu, contentons-nous de proposer son accès au maximum de gens. Aujourd'hui les opérateurs oublient cette leçon. Ils essaient de générer du contenu par eux-mêmes, comme Orange. Mais quand les gens veulent des infos, ils vont sur le site de la BBC ; quand ils voient les infos Orange, ils pensent que c'est pour des fruits et légumes ! La beauté d'Internet, c'est l'accès aux sources de première main, et on oublie cela », s'amuse-t-il.C'est Takeshi Natsuno aussi qui a, le premier, eu l'idée de transformer les mobiles en portefeuilles virtuels. L'idée a été adoptée en un temps record par des Japonais qui, quelques années auparavant, ne juraient que par le cash et se préoccupaient peu de monétique. Dernier de ses bébés : iConcier, un service de concierge virtuel mis en place par NTT Docomo il y a six mois, qui pense et travaille à la place de l'usager.Depuis, Takeshi Natsuno a claqué la porte de NTT Docomo, inquiet de la tournure bureaucratique qu'a pris son entreprise. Il y voit le même « syndrome de la cinquantaine » qui a grippé toute l'industrie mobile japonaise, équipementiers comme opérateurs, incapables de vendre à l'étranger les téléphones les plus sophistiqués du monde : « Dans les grandes sociétés d'électronique japonaise, on demande une seule chose aux membres des conseils d'administration : avoir la cinquantaine. Le reste ne compte pas : ni le talent, ni la maîtrise de l'anglais, ni leur vision? c'est le drame d'un pays où tout le monde est salarié et où personne n'est récompensé en fonction de ses efforts. Au Japon, le directeur général d'un groupe d'électronique est toujours à quelques années de la retraite. Pourquoi diable se soucierait-il de ce que sera son entreprise dans dix ans ? » fulmine-t-il.Gouvernance rationnelleRetournement de l'histoire, les fabricants de terminaux sud-coréens font désormais la leçon à leurs grands frères japonais. « Il y a dix ans Samsung n'occupait même pas 1 % du marché mondial des mobiles. Aujourd'hui, avec LG, il en contrôle un quart. Comment ont-ils fait ? En misant leur chemise sur le marketing, et en se dotant d'une structure de gouvernance rationnelle. Le directeur général de Samsung Mobile est maître à bord après Dieu dans son entreprise ; alors que, dans la division de mobiles chez NEC par exemple, il faut en référer à la direction générale du groupe. Dans de telles conditions, il est impossible de mener sa propre politique, de motiver ses troupes et de les rémunérer correctement. »Aujourd'hui Takeshi Natsuno dirige le développement de plusieurs start-up, dont Nico Nico Dôga, Youtube à la japonaise où l'internaute peut écrire sur les images. Mais il rêve encore à l'avenir du mobile : « La biométrique ; les services qui pensent à la place de l'usager, type iConcier ; les batteries et l'interface, tels sont les 4 axes de développement des mobiles de demain », conclut-il.
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