Un scénario grec pour la dette américaine

Qui faut-il croire ? L'agence de notation chinoise Dagong, Bill Gross, le gérant vedette du plus gros fonds obligataire américain Pimco ou le marché lui-même ? Si on regarde les rendements des emprunts d'État américain, c'est encore l'euphorie. Malgré des déficits record, malgré le niveau record de la dette, les États-Unis empruntent à des taux historiquement bas. Un peu plus de 0,40 % à 2 ans et guère plus que 2,60 % à 10 ans. On est loin des 11 % grecs et même des 4,40 % espagnols ou des 4 % italiens. Si Alan Greenspan était encore patron de la Réserve fédérale, il utiliserait son mot favori dans ce type de situation : « conundrum ». Une énigme.Pour Bill Gross, l'énigme n'est en fait qu'une arnaque, un « schéma de Ponzi » à la Madoff dans lequel l'argent qu'on emprunte à de nouveaux pigeons sert à rembourser les créanciers précédents et ainsi de suite. Le gérant ne prend pas de gants et il accuse même Ben Bernanke d'alimenter cette « chaîne » avec son injection massive de liquidités. Du côté de la Chine, c'est la même analyse. Il faut d'abord noter que la Chine n'achète plus d'emprunts d'État américain depuis plusieurs mois. Elle ne participe plus aux adjudications et vend même, dès qu'elle le peut, une partie, minuscule pour l'instant, de son gigantesque stock. L'agence de notation chinoise Dagong - j'ai appris à cette occasion qu'il y avait une agence de notation chinoise - pense que la solvabilité des États-Unis est au « bord du gouffre ». Elle a dégradé la note des États-Unis qui n'était déjà plus qu'à AA en Chine à A+ avec une perspective négative. Il y a certes, dans le cadre des tensions actuelles entre la Chine et les États-Unis sur le yuan, une part de propagande. Mais il y a également une part de réalité. Quand il s'agit de juger la dette des États-Unis, depuis la crise des subprimes, j'aurais tendance à plus me fier à une agence de notation chinoise qu'aux trois agences anglo-saxonnes qui se sont distinguées et se distinguent encore par leur aveuglement ou, pire, leur parti pris.En réalité, tout le monde le sait, mais il règne une totale omerta sur le sujet : les États-Unis ne pourront jamais rembourser leur dette ; ils ne méritent donc pas de garder leur triple A. Ils ne veulent probablement d'ailleurs pas la rembourser. Le pays du Chapter 11, le pays dans lequel un General Motors peut faire faillite un jour en ruinant ses créanciers et ses actionnaires et s'introduire en Bourse le lendemain, a toujours eu l'intime conviction qu'il vaut mieux sacrifier ses créanciers que sa croissance ou sa survie économique. Les taux actuels sont donc à un niveau aberrant. Mais ils l'étaient déjà il y a un an, il y a six mois et, pourtant, ils ont continué à baisser ! Bill Gross et l'agence de notation chinoise ont raison : le marché de la dette américaine va finir par exploser. C'est écrit. C'est inévitable. Quand ? « That is the question. » En janvier 1999, le Nasdaq était déjà largement surévalué mais il a plus d'un an à s'effondrer et, entre-temps, il a vu sa valeur doubler... Pour l'instant, il n'y a plus qu'un seul acheteur d'emprunts d'État américain : la banque centrale américaine. Et on se demande même si le seul but du « quantitative easing 2 » n'est pas de financer les déficits des États-Unis pendant six à neuf mois. Les États-Unis cherchent à gagner du temps mais l'issue est inévitable. Soit l'économie redémarre et l'inflation avec elle, du coup les taux d'intérêt long remonteront, soit l'économie ne redémarre pas et la Fed ne pourra plus seule financer le déficit public. Un scénario grec pour les États-Unis. La question n'est plus « si ? » mais « quand ? ».Par Marc Fiorentino Allofinance.com
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