Une réglementation pour mieux déréglementer

Depuis 2008, le renforcement de la réglementation a été annoncé, et les textes ont suivi. Ces nombreuses réformes visent toutes une réduction de la prise de risque. La réalité est bien différente. La réglementation des placements des assureurs, qui a pourtant montré son efficacité lors de la dernière crise, disparaît avec Solvabilité II. Il en est de même pour les OPCVM. Ces règles leur avaient pourtant évité de s'exposer significativement aux subprimes ou chez Bernard Madoff. Le contrôle prudentiel est transformé en contrôle du contrôle, c'est-à-dire du respect des formes et des procédures. La supervision est affaiblie au profit de l'autocontrôle.Le rôle confié à la notation est également renforcé. Les nouveaux textes la considèrent abusivement comme une mesure de risque, ce qui contribue à déresponsabiliser les acteurs. Pour les vendeurs de produits structurés et de hedge funds, Solvabilité II est devenu un argument commercial pour vendre leurs produits aux assureurs. Les règles contracycliques continuent à être remplacées par des incitations aux comportements procycliques. En dépit des événements de 2008, les ventes à la baisse pour protéger les ratios de fonds propres sont intégrées dans les systèmes de gestion. Les incitations perverses qui conduisent à accroître le « moral hazard » ne sont pas remises en cause. Les interventions publiques sur les taux d'intérêt distordent les signaux prix et nuisent à l'efficacité des marchés. Les « trous » dans la réglementation, permettant des arbitrages réglementaires, se multiplient avec les réformes.Si la crise bancaire de 2008 a conduit à une demande de réglementation, dans les faits, la déréglementation se poursuit. Pourtant, la stabilité financière pourrait être fortement améliorée par quelques mesures simples. La supervision ne devrait pas se limiter à la définition de principes, mais devrait veiller effectivement au respect des principes et des règles, ce qui suppose des compétences et des moyens, mais aussi une capacité de sanction. À quoi sert de réglementer si les banques peuvent sortir les risques de leurs bilans vers des acteurs non réglementés, qui profitent de leur financement ?Les marchés manquent de standardisation, leur fragmentation s'étend (plates-formes, « dark pools », internalisation de la contrepartie). Les règles de marché pourraient se rapprocher des hypothèses microéconomiques permettant de parvenir à l'équilibre. Les entreprises de marché pourraient s'intéresser un peu moins à leurs clients intermédiaires, arbitragistes ou traders algorithmiques et un peu plus aux investisseurs et aux entreprises, utilisateurs finaux des marchés. Il serait aussi utile d'améliorer l'information qualitative. La notion de risque est complexe et ne peut se réduire à un seul indicateur. Les autorités qui produisent les normes pourraient elles-mêmes faire l'objet de règles de gouvernance. Les régulateurs pourraient s'interdire d'importer directement dans les textes telle formule prétendument « scientifique ». L'utilité de l'analyse économique pourrait être reconnue dans le calibrage des modèles. Et les progrès de la mathématique financière depuis 1960 pourraient être enfin pris en compte, ainsi que la théorie des incitations. Enfin, la délégation de prérogatives de puissance publique en faveur d'acteurs privés, dont la responsabilité est difficile à mettre en cause, devrait être limitée et contrôlée. La responsabilité des intermédiaires et des investisseurs devrait être renforcée : il n'est pas normal qu'une bonne notation suffise à dégager la responsabilité des financiers. Il n'est pas trop tard pour s'inquiéter des possibles effets pervers et des arbitrages réglementaires que permettrait par exemple le recours à des coefficients de liquidité qui traiteraient de façon identique des risques différents ou de manière différente des risques identiques. Les mécanismes des prophéties autoréalisatrices et les règles procycliques qui peuvent ruiner les institutions réglementées au profit des hedge funds qui pourraient être les grands gagnants de la crise.Par Michel Piermay, président de Fixage
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