EMI est au bord du gouffre

Les Beatles, David Bowie, Beach Boys, Miles Davis, Pink Floyd... La liste du catalogue d'artistes d'EMI se lit comme un « who's who » de la musique du XXe siècle, à faire rêver tous les amateurs de musique. Pourtant, la prestigieuse maison de disques britannique est de nouveau au coeur d'une tourmente qui pourrait conduire à son dépècement. Selon le Sunday Times, le fonds d'investissement KKR et la maison de disques Warner Music seraient en discussion pour acheter chacun une partie d'EMI. Le premier s'emparerait du catalogue de « hits » ; le second acquérrait la maison de disques à proprement parler, la partie production. EMI ne commente pas, mais une source proche de l'entreprise britannique affirme « que KKR et Warner Music se parlent peut-être entre eux, mais pas à nous ».Que l'information se confirme ou non, elle vient rappeler la position de faiblesse dans laquelle se trouve EMI. L'entreprise a essuyé l'an dernier (avril 2008 à mars 2009) une perte de 1,5 milliard de livres (1,6 milliard d'euros), le double de l'année précédente. Son directeur vient de claquer la porte. Et le groupe a besoin de 120 millions de livres (130 millions d'euros) d'ici au 14 juin pour refinancer sa dette.Le problème remonte à l'été 2007, quand Guy Hands, le patron du fonds de capital risque Terra Firma, achète la mythique maison de disques. La date ne pouvait être pire : l'acquisition se passe juste avant l'explosion de la bulle financière. Guy Hands finance l'acquisition de 4,2 milliards de livres de la seule manière qu'il connaisse : il endette très fortement le groupe. Résultat, EMI est aujourd'hui asphyxiée par un emprunt de 3,2 milliards de livres de Citigroup. Pour honorer sa dette, EMI va demander à ses actionnaires de mettre une nouvelle fois la main à la poche d'ici le 14 juin, date fixée par Citigroup. Sinon, un dépôt de bilan de la maison de disques est probable : le prix de ses CDS (coût de l'assurance de la dette) a doublé depuis septembre dernier, selon l'agence financière Markit. A ces difficultés vient s'ajouter le malaise d'artistes qui se jugent brusqués par un financier sans pitié. En arrivant à EMI, Guy Hands a immédiatement exigé que soit mis fin aux largesses dont bénéficiaient les groupes. Résultat, un énorme plan d'économies a été mis en place et les effectifs ont été réduits de 20%. En réaction, des groupes comme Radiohead ont claqué la porte, estimant que Guy Hands « ne comprenait pas l'industrie musicale ». De plus, la semaine dernière, Elio Leoni-Sceti, le directeur d'EMI chargé de la restructuration, a démissionné. Il a été remplacé en urgence par Charles Allen, qui était jusqu'alors le président non exécutif du groupe. Celui-ci mène les négociations pour trouver l'argent nécessaire d'ici juin.le coût de la dettePourtant, la restructuration d'EMI n'est pas catastrophique. En 2009, l'entreprise a réalisé un bénéfice opérationnel : c'est le coût de la dette, des restructurations, et des dévaluations d'actifs qui met le groupe dans le rouge. « Si on met la dette de côté, EMI n'est pas une si mauvaise entreprise que cela », souligne Simon Dyson, de la société d'études de marché Informa Telecoms and Media.En 2008, sa part de marché mondial était de 9,6%, et elle devrait très légèrement reculer en 2009. « Mais c'est essentiellement parce que la direction se concentre désormais sur les plus grands groupes, et préfère réduire les risques quitte à produire un peu moins d'artistes », explique Simon Dyson. La difficulté est de naviguer avec la contrainte financière imposée par un montage de reprise qui a mals mal tourné, sans nuire à l'exploitation.
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