Parcours de femme : Maya Selva

Le label Maya Selva Cigares vient de fêter ses quinze ans. Nous produisons au Honduras et au Nicaragua près de deux millions de cigares roulés à la main commercialisés en Europe. Notre société s'attribue 10 % de part du marché français du cigare haut de gamme. Je suis tombée amoureuse du tabac quand j'ai découvert son monde. Le fait que ce soit une activité réalisée entièrement à la main m'a séduite. J'ai découvert mon pays, le Honduras, et j'ai appris à l'aimer. Ma mère, d'origine auvergnate, et mon père, hondurien, se sont connus à Paris pendant leurs études. Ma mère faisait Sciences po et mon père des études d'ingénieur. Nous sommes partis au Honduras quand j'avais trois ans et demi. J'ai passé mon bac au lycée français de Tegucigalpa, la capitale. Je suis revenue en France à l'âge de 16 ans pour faire mes études à l'Ecole d'ingénieurs en informatique EISTI et j'ai terminé mon cursus aux États-Unis. J'étais statisticienne dans une société de conseil à Paris. Mais j'avais une grande nostalgie du Honduras, c'était pour moi un déracinement. Je voulais faire quelque chose avec ce pays, garder le lien. Un soir dans un dîner, des amis fumaient. Je me suis dit : « Le Honduras est le deuxième pays producteur de cigares et le cigare du Honduras est totalement méconnu. » M'est venue l'idée d'acheter de la production locale et de l'importer en France. J'ai fait le tour du marché du Honduras. Mais la production n'était pas adaptée au goût français. Un jour, un fabricant me dit : si nos cigares ne sont pas bons, fais ton cigare. J'ai fait un stage ouvrier. L'élaboration du cigare touche à trois économies : l'agriculture, la fermentation, la fabrication. Pour comprendre la qualité des plants, je suis allée voir les pépinières. Un cigare, c'est une recette, un assemblage de feuilles de tabac provenant de plusieurs cépages. Il y a les feuilles du bas de la plante, plus légères et qui brûlent plus facilement, les feuilles du haut, qui reçoivent plus de soleil, donc plus fortes et qui brûlent moins vite, et les feuilles du milieu. Chaque année, la récolte est différente. L'agriculture du tabac, c'est presque de la culture de potager. Il faut la surveiller jour après jour. Une fois que la feuille est fermentée, ce n'est qu'en la fumant que vous constatez sa qualité. J'ai remonté toute la filière. La qualité du cigare tient aussi à la capacité de stockage des ballots de tabac. Il faut du stock pour garantir la stabilité du mélange de chaque variété de cigare. Les cigares d'une même catégorie sont semblables mais pas identiques. On lisse les différences en mélangeant les feuilles de tabac de trois ans. On retravaille le mélange tous les ans. Il faut rouler la feuille, la fumer. Il faut un nez mental. Chaque année, je goûte plus de 300 ballots. On peut faire des combinaisons interminables avec les tabacs des différents endroits. Mon chef de mélanges a fait plus de 1.600 recettes. Et il n'a pas fini. Tous les cigares sont entièrement faits main. Le bois des boîtes de cigares, du cèdre, vient également des forêts gérées du Honduras. Notre activité génère de la valeur ajoutée pour le pays. Un cigare, c'est une proposition de goût. Il faut toute une démarche pour accepter un nouveau goût. C'est une question de mémoire gustative. Quand je fais un cigare, je me dis qu'il sera l'expression de ce terroir qui s'appelle le Honduras. Vous ne fumez pas un cigare innocemment. Vous êtes obligé de vous en approprier. Vous devenez un esthète du cigare quand vous êtes capable de le choisir en fonction de votre ressenti intérieur, si vous êtes en forme ou fatigué. Il n'y a pas de diktat dans le tabac. C'est un savoir qui s'accumule en fonction du temps. C'est un art de vivre.
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