Romans d'été

À force d'avoir des idéaux, Abel est un héros aux identités multiples, qu'il gère non sans mal. Fils d'un juge mexicain assassiné par la mafia, patron d'une entreprise pionnière sur la biodiversité, ami d'enfance de Paul, l'astronaute vedette en partance pour la Lune, il est aussi un mari quasi parfait. Si ce n'est qu'il dissimule à tout ce petit monde le véritable moteur de son existence : Gaïa, une organisation environnementale souterraine qu'il a créée et pilote du fin fond du Nouveau-Mexique. Une structure qui multiplie les « coups » spectaculaires pour alerter l'opinion sur ce qui ne tourne pas rond.En dénonçant le massacre de dauphins dans une baie du Japon bien sûr. Mais pas seulement. Lorsque le gouvernement américain tente de démontrer aux yeux du monde l'efficacité de son bouclier antimissile, Gaïa parvient à le ridiculiser en détournant la trajectoire des armes envoyées dans le ciel. C'est là que les ennuis commencent. Difficile d'être dans le collimateur de l'État le plus puissant du monde sans en faire les frais. À la première occasion, Gaïa est accusé de terrorisme et devient la cible d'une traque sans merci...Roman d'anticipation particulièrement calé, « Siècle bleu » hésite entre naïveté et cynisme, entre le rêve d'une symbiose entre homme et nature et la réalité d'un monde obtempérant aux diktats du capitalisme. On y croise d'ailleurs James Lovelock, l'inventeur de l'hypothèse Gaïa selon laquelle la Terre et sa biosphère forment un système dynamique et interdépendant. Un modèle dans lequel le chaos guette, pour cause de réchauffement climatique. Cette toile de fond de « Siècle bleu » n'en fait pas pour autant un ouvrage alarmiste. Plutôt un thriller écologique qui se veut aussi une boîte à idées, parce que l'auteur garde une certaine légèreté. Notamment en s'aventurant sur le sujet de la conquête de l'espace, à la fois rêve et exutoire au catastrophisme.Ingénieur de formation, Jean-Pierre Goux prend un goût certain à dénoncer les aberrations qu'il côtoie au quotidien, en travaillant dans le secteur de l'énergie : contrairement à ce que la forme du roman pourrait laisser croire, son livre est pétri de références scientifiques, et ouvert à une multitude de disciplines. Lorsqu'il décrit le véhicule ultraléger d'Abel, un prototype très peu gourmand en hydrocarbure, dont les constructeurs automobiles ne veulent entendre parler parce que le lobby pétrolier veille, c'est une référence au projet Hypercar du Rocky Mountain Institute. Et s'il envoie ses héros sur la Lune, ce n'est pas que pour la poésie du voyage. Mais aussi parce que le sol lunaire recèle des quantités d'hélium 3, l'uranium du futur. Et de fait, les sondes chinoises envoyées dans la zone ces derniers temps s'intéressent de très près à l'isotope en question...Pas si utopique que ça, donc, « Siècle bleu » va au fond des enjeux que doit affronter une petite planète bleue quand elle est vue du ciel. Et joue à fond sa fonction d'alerte rouge sur fond de polar efficace.Aline Robert « Siècle bleu », Jean-Pierre Goux, JBZ & Cie, 21 euros.www.sieclebleu.org
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