Hollande, le fils caché de Delors et Pompidou ?

C’est l’histoire d’un type qui est au fond du trou et qui se dit, foutu pour foutu, passons à l’offensive et choisissons le mouvement. L’offensive et le mouvement, ce sont les deux mots clefs de l’intervention de François Hollande hier, ceux qui feront sans aucun doute la Une des journaux. Au sommet de son impopularité, n’ayant donc pas grand-chose à perdre, il a cherché avant tout à dissiper l’impression d’un président hésitant, maniant sans cesse l’esquive et l’évitement pour ne surtout pas prendre de décisions difficiles. Et à réaffirmer son autorité pour reprendre la barre du bateau ivre d’un gouvernement et d’une majorité où règne une cacophonie qui n’a fait que croître et embellir depuis la déflagration de l’affaire Cahuzac.De quoi ce Hollande an II est-il donc le nom ? On attendait un cap, voire un tournant : celui-ci a pris la forme d’une « initiative » européenne en quatre points, assez technocratique dans son affichage, mais aussi assez audacieuse sur le fond : rien moins qu’un gouvernement économique européen, un plan pour l’insertion des jeunes dans l’emploi, une Europe de l’énergie et une Union politique. Pas sûr que cela suffise pour rassurer des Français eurosceptiques. Mais en réalité, l’opération, qui avait des accents à la Delors, l’un des « pères » revendiqués par le social-démocrate européen Hollande, est aussi un pari politique, plutôt habile.Il s’agit d’offrir une contre-proposition française aux pressions de plus en plus fortes de Bruxelles et de l’Allemagne pour que la France accélère le rythme de ses réformes « structurelles », en échange du délai de deux ans accordé pour ramener le déficit public dans les clous. Plus exactement, c’est une nouvelle formulation de l’engagement pris par François Hollande de réorienter la politique européenne. L’Allemagne veut une Europe politique ? Banco dit Hollande, mais à condition d’abord de remettre l’Europe en ordre de marche par une politique plus favorable à la croissance. Faute de quoi ce qui l’attend est le déclin, voire le délitement, qui n’est ni dans l’intérêt de la France, ni dans celui de l’Allemagne. A bon entendeur, le message s’adresse directement à Angela Merkel qui devra y répondre d’ici le sommet européen du mois de juin.Le deuxième axe fort de la conférence de presse de François Hollande est son appel à l’avenir. Là aussi, il s’agit de rompre avec l’impression d’un président à la dérive, qui n’exprime pas un grand projet pour la France du 21ème siècle. On a donc eu donc droit à un discours quasi pompidolien, appelant à la mobilisation de toutes les forces vives de la nation pour l’investissement et l’emploi. Le Pompidou des années 2010 (après tout, il a bien un ancien banquier de Rothschild comme secrétaire général adjoint !) s’inspire du rapport Gallois, cité à plusieurs reprises, veut choisir des filières d\'excellence où l\'Etat va co-investir et maintient clairement le cap sur la compétitivité, maître mot d\'une politique de l\'offre assumée. Et dont la droite, il faut bien le dire, ne s\'est guère préoccupée depuis dix ans...Reste à savoir si l\'Etat est le mieux placé pour définir les filières où la France sera en tête dans vingt ans. Numérique, transition énergétique, santé, transports, que 1000 chantiers fleurissent ! Sauf que, François Hollande a dû le concéder, l’Etat n’a guère de moyens pour financer cet effort d’investissement. L’appel aux fonds européens tarde à se concrétiser et la vente des « bijoux de famille », les cessions promises de participations publiques, ne rapporteront pas grand-chose, surtout si le gouvernement veut garder une position de contrôle dans leur capital.\"Tout ne peut pas venir de l’Etat\", a donc prévenu François Hollande qui a fait preuve d’un pragmatisme assez inédit en appelant le secteur privé, les fonds d’investissement y compris étrangers à y participer. C’est une bonne idée, à condition que l’environnement fiscal et social français soit jugé attractif par les-dits investisseurs, pour l’instant rendu assez méfiants par la ligne Montebourg (dont au passage le président a refusé publiquement de « trancher la tête », en tout cas devant la presse).Le dernier mot important de cette deuxième conférence de presse est \"courage\", titre du livre aux messages subliminaux de son ex-compagne Ségolène Royal. François Hollande aura-t-il donc le courage de mener toutes les réformes dont la France a besoin pour se tirer d’affaire. Le président l’a affirmé crânement, citant à plusieurs reprises son action au Mali, comme gage d’un pays qui est encore une « grande nation », influente et dont le destin est encore devant lui.Courage donc sur les retraites, où, il faut reconnaître que le chef de l’Etat ne s’est pas défilé, annonçant une vraie réforme qui passera par un allongement de la durée de cotisation, pour tenir compte de l’augmentation de l’espérance de vie. Mais une réforme dans la justice, qui ne brisera pas le tabou de la retraite à 60 ans et reste imprécise, notamment sur son champ : s\'il veut lutter contre les inégalités entre régime et faire un effort particulier pour les femmes aux carrières souvent incomplètes, il s\'est bien gardé de dire si elle concernera aussi le secteur public.Courage enfin, sur le chômage, où il faut créditer François Hollande d’une véritable ténacité, puisqu’il a réitéré et confirmer son objectif de tout faire, et même plus encore, pour en inverser la course infernale d’ici la fin de l’année. Et là, force est de le constater, avec la confirmation de la récession, c\'est un pari audacieux, voire imprudent. 
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