Un achat devenu très politique en Angleterre

Même Gordon Brown a jugé bon d'intervenir, avec une phrase fleurant bon le protectionnisme. « Nous sommes déterminés à ce que les investissements qui ont lieu chez Cadbury restent au Royaume-Uni et à ce que les emplois de Cadbury soient assurés. » La déclaration du Premier ministre, certes en précampagne électorale, montre combien les mentalités ont changé outre-Manche. En 2005, en pleine campagne électorale, quand le constructeur automobile Rover avait fait faillite, ni Tony Blair ni Gordon Brown n'avaient dit mot.Il aura donc fallu du chocolat pour déchaîner les passions. « C'est un triste jour pour l'industrie britannique », estime Jennie Formby, du syndicat Unite. L'arrière-arrière-petite-fille du fondateur, Felicity Loudon, a estimé, elle, que la prise de contrôle par Kraft Foods était « une histoire d'horreur ». La virulence de la réaction tient en partie à la nature de cette icône britannique, créée en 1824 par John Cadbury. Un quaker dont l'attitude très paternaliste a beaucoup fait pour l'amélioration des conditions de travail. Ses deux fils ont fondé une usine construite autour d'un « village modèle », Bournville, où se situe encore sa principale usine. L'idée de voir cette vieille culture d'entreprise mélangée à celle du roi des « macaroni and cheese » en inquiète beaucoup.pertes d'emplois en vueDe plus, Kraft Foods s'endette lourdement pour acheter Cadbury. Les 4.500 employés britanniques de ce dernier s'inquiètent donc, d'autant que Kraft Foods chiffre à 675 millions de dollars (470 millions d'euros) les synergies de coûts. Roger Carr, le patron de Cadbury, a d'ailleurs reconnu que des pertes d'emplois étaient à prévoir, notamment au siège. Pourtant, et c'est un paradoxe, les emplois britanniques pourraient être mieux protégés avec Kraft Foods, qui a affirmé vouloir garder ouverte l'usine de Keynsham (ouest de l'Angleterre) que la direction actuelle de Cadbury comptait fermer. Irene Rosenfeld, la directrice de Kraft Foods, a néanmoins évité les promesses trop précises, et les syndicats ne sont pas convaincus. Peter Mandelson, le ministre de l'Industrie, a demandé à la rencontrer rapidement.Enfin, l'OPA sur Cadbury a été perçue comme un symbole par ceux qui jugent l'économie britannique trop ouverte. « Il y a d'importantes leçons à tirer de cette acquisition, estime Jennie Formby, du syndicat Unite. Les intérêts à court terme de la City et des investisseurs institutionnels ont dicté ce processus depuis le début, avec peu de pensées pour l'emploi, la chaîne de sous-traitants et l'avenir de Cadbury. » David Bailey, professeur à l'université de Coventry, confirme : « Le système de règles et lois du Royaume-Uni laisse les entreprises britanniques vulnérables aux acquisitions. Comme les acquisitions sont souvent des échecs, il faut que cela change. »Éric Albert, à Londre
Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.