Prix de l'électricité : EDF réussit à imposer sa loi

C'est une victoire bienvenue pour Henri Proglio ! La première depuis son arrivée tonitruante à la tête de l'électricien public fin 2009. S'il a obtenu l'été dernier la confirmation de son rôle de leader de la filière nucléaire française, le PDG d'EDF a dû renoncer ou différer nombre de ses très ambitieux projets, comme mettre la main sur Areva ou rapprocher EDF et son ancien groupe Veolia. Il n'a pas pu empêcher la réorganisation du marché de l'électricité, exigée par Bruxelles, mais il a réussi à la neutraliser. En accédant à ses exigences sur le niveau de prix auquel EDF devra vendre à ses concurrents jusqu'à un quart de son électricité (40 euros le mégawattheure au 1er juillet et 42 euros dès le 1er janvier 2012), le gouvernement ne permet toujours pas aux nouveaux opérateurs comme GDF Suez, Poweo ou Direct Energie de concurrencer, sans perdre d'argent, l'ancien monopole auprès de la clientèle des particuliers. « Nous avons encore refait nos comptes ce matin », déclare à « La Tribune » Loïc Capéran, directeur général de Poweo. « À 42 euros, notre développement n'est pas viable à court terme, sauf à augmenter significativement les tarifs réglementés ». Les électriciens alternatifs, non autorisés en France à exploiter une centrale nucléaire qui permet à EDF d'obtenir des coûts de production particulièrement bas, achètent leur électricité, soit sur les marchés (environ 55 euros le MWh actuellement) soit auprès d'EDF, via des enchères, à 45 euros le MWh en ce moment. Ils le revendent aux particuliers 35 euros le MWh, conformément au tarif réglementé. En perdant au passage plus de 200 millions d'euros pour Poweo et Direct Energie depuis leur création. Rénover le parc nucléaireDeuxième source de satisfaction pour Henri Proglio : non seulement, il n'aide pas ses concurrents à venir lui prendre des parts de marché, mais il obtient la garantie d'une hausse des tarifs. La loi Nome, (nouvelle organisation du marché de l'électricité) votée en décembre, stipule en effet que les tarifs réglementés et ce prix de revente (Arenh) « convergent » d'ici à 2015. Cela entraînera un bond de 25 % à 30 % des tarifs de l'électricité pour les particuliers d'ici à 2015, selon les calculs de la Commission de régulation de l'énergie. Sans la loi Nome, cette revalorisation aurait certainement été effectuée afin de permettre à EDF de faire face au vieillissement de son parc nucléaire. La loi permet cependant d'inscrire dans le marbre ces hausses qui, sinon, auraient été soumises au calendrier politique. Cette victoire éclatante n'a pas été obtenue sans mal par Henri Proglio. Tandis que son grand rival Gérard Mestrallet, PDG de GDF Suez, a manoeuvré avec sa réserve habituelle, attendant la toute fin de la partie pour formuler publiquement ses demandes (35 euros le MWh, cf « La Tribune » du 20 décembre 2010), le patron d'EDF a jeté toute son énergie dans la bataille. À peine nommé, à l'automne 2009, il a fait annuler le texte de loi qui était alors fin prêt, après un an ? déjà ? de négociations. Un nouveau texte a été présenté au printemps 2010, avec quelques compensations pour EDF, notamment le financement par ses concurrents de capacités de production aux heures de pointe. Une charge en moins pour l'électricien public. À l'automne 2010, le gouvernement, pris en tenaille entre le vigoureux courroux d'Henri Proglio qui dénonçait le « pillage du patrimoine national » et une hausse des tarifs impopulaires, tentait de dépassionner le débat en confiant à Paul Champsaur, spécialiste de la concurrence, un nouveau rapport sur la question. Celui-ci préconisait 39 euros le MWh. Il a fallu encore six mois et Fukushima, qui a souligné le prix de la sûreté nucléaire, pour que l'Elysée tranche. Peut-être que la toute récente décision d'EDF - que Nicolas Sarkozy devrait annoncer lui même dans prochains jours - de construire finalement, avec Total, un terminal méthanier à Dunkerque, n'a pas nui au résultat de l'arbitrage. Reste à savoir si Bruxelles s'en contentera.
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