Vente de médicaments en ligne : simple démarche commerciale ou dérive dangereuse ?

La Pharmacie de la Grâce de Dieu à Caen le propose depuis mercredi dernier, la pharmacie centrale de Castelnau-le-Lez dit également vouloir se lancer... La vente de médicaments sur Internet par des officines en est à ses prémices, mais elle fait déjà polémique. D\'un coté, ces \"pionniers\" se défendent d\'agir dans la légalité, de l\'autre des syndicats de pharmaciens dénoncent une \"opération commerciale (...) dangereuse pour le patient\".• Comment cela se passe en pratique et sous quelles conditions ?Pour comprendre les arguments des deux parties, un rappel des faits s\'impose. Le site créé par la pharmacie de la Grâce de Dieu à Caen existe depuis un an mais ne propose des médicaments que depuis le 14 novembre. En pratique, les patients passent commande sur le site après avoir créé leur compte. Pour chaque produit, des informations sur leur morphologie et leur état de santé leur sont réclamées (âge, sexe, poids, taille, pathologies, traitements déjà suivis...) et il leur est demandé de déclarer avoir lu la notice correspondante. Dès lors, deux cas de figure se présentent :- Soit les médicaments peuvent être délivrés uniquement sur ordonnance : il ne s\'agit alors que d\'une réservation et le patient est obligé de se rendre à la pharmacie pour récupérer les médicaments et faire tamponner l\'original de l\'ordonnance. Il s\'agit d\'ailleurs d\'une obligation légale pour tout pharmacien qui délivre ce type de remède.- Soit ce sont des médicaments sans ordonnance : le paiement peut alors se faire en ligne et le patient recevra sa commande directement à domicile.Dans les deux cas, les conseils d\'un pharmacien travaillant à la Grâce de Dieu sont proposés lors de la commande (par téléphone ou par e-mail) et la commande sera validée et préparée par ces mêmes professionnels caennais.•  Quel est le cadre juridique qui s\'applique ?Pour l\'instant en France, \"la vente de médicaments sur Internet n\'est pas réglementée\" faisait remarquer Philippe Lamoureux, le directeur général du LEEM (Fédération professionnelle des industriels du médicament), dans un communiqué paru fin juillet. Les officines qui se lancent dans ce commerce profitent donc pour l\'heure d\'un vide juridique. \"Cette activité est possible depuis une dizaine d\'année\" fait d\'ailleurs valoir Maître Robert Apéry, l\'avocat ayant conseillé Philippe Lailler, le pharmacien de la Grâce de Dieu. Il fait allusion à l\'arrêt DocMorris rendu en décembre 2003 par la Cour de Justice des Communautés européennes (CJCE). Cette jurisprudence a ouvert la possibilité, en France, d\'une vente légale de médicaments à partir de sites Internet pharmaceutiques, dans le respect du code de santé publique.• Quels sont les arguments qui s\'opposent ?Une démarche commerciale mais légale :Selon le pharmacien Philippe Lailler, \"le problème numéro 1, c\'est la vente par Internet par des sociétés étrangères\" et \"il vaut mieux que ce soit fait par des officines françaises\". \"Le marché visé est bien celui de la prescription sans ordonnance\" explique-t-il. Son but, et il ne s\'en cache pas, est de développer son chiffre d\'affaires \"mais - prévient-il - il faut le faire de façon honnête\". Il envisage d\'ailleurs de créer un emploi de plus dédié à la gestion des commandes si l\'activité se développe. \"Il s\'agit d\'une nouvelle concurrence pour d\'autres pharmaciens\" ajoute Maître Robert Apéry. \"Les gens peuvent comparer les prix plus facilement, et ceux de la pharmacie de Monsieur Lailler étant très bas, c\'est ce qui pose problème\" avance-t-il.Une opération \"dangereuse\" :De leur coté, les trois premiers syndicats de pharmaciens français - la Fédération des syndicats de pharmaciens (FSP), l\'Union des syndicats de pharmaciens d\'officine (Uspo) et l\'Union nationale des pharmacies de France (UNPF) - ont unanimement condamné cette initiative qu\'ils jugent \"illégale et dangereuse\". La FSP a dit mercredi envisager un recours contre cette opération commerciale considérant qu\'à terme, le patient \"n\'aura pas les moyens d\'identifier les vrais pharmaciens de la contrefaçon\".Contactée par La Tribune, l\'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) dit déconseiller l\'achat de médicaments sur Internet, faisant valoir que \"normalement le réseau de pharmacies est suffisamment dense pour pouvoir se fournir dans des officines physiques\".L\'Ordre national des pharmaciens, auquel l\'Etat délègue sa compétence, se refuse quant à lui à tout commentaire. Le pharmacien caennais déclare l\'avoir tenu au courant par écrit de son intention début octobre. \"La balle est dans le camps des équipes de Marisol Tourraine\" conclut Me Apéry.Pour l\'instant, la pharmacie de la Grâce de Dieu revendique une centaine de commandes passées par Internet, en grande majorité de produits non soumis à ordonnance. Reste à savoir si, passé l\'effet d\'annonce et le buzz médiatique ainsi généré, l\'activité va rencontrer le succès, venant éventuellement combler un réel besoin ressenti par les patients devenus...consommateurs.
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