Bonus dans les banques  : la riposte de la Fed aux demandes européennes

À quelques jours du G20 de Pittsburgh, les médias américains ont dévoilé que les États-Unis préparaient une réforme plus ambitieuse qu'attendu pour encadrer les primes dans les établissements financiers. Une « fuite » certainement tactique pour Barack Obama qui entend démontrer à ses partenaires du G20 que en dépit des désaccords persistants au Congrès sur la future réforme des marchés financiers, son administration est déterminée à agir. Selon le « Wall Street Journal », la Réserve fédérale compte s'arroger un pouvoir inédit : la validation des politiques de rémunération de plus de 5.000 holdings bancaires. Si, à l'issue d'une période de débats publics, ce projet est adopté, les vingt-cinq plus grandes banques du pays seront particulièrement scrutées.N'en déplaise aux gouvernements européens qui militent pour un plafonnement des bonus, la Fed n'envisage pas d'en limiter le volume mais d'encadrer leur structure, dans la droite ligne des réformes préconisées par le Trésor et la Maison-Blanche. Toutefois, son droit de regard concernera n'importe quel salarié, pas seulement les cadres dirigeants. Une position plus dure et plus proche de celle défendue par la France et l'Allemagne sur laquelle Barack Obama s'appuiera pour tenter d'arracher des compromis, notamment sur les normes prudentielles imposées aux établissements financiers. « Les régulateurs ne seraient pas chargés de décider des salaires, mais ils pourraient analyser la politique salariale, et, si nécessaire, amender la politique de primes et de bonus de chaque banque afin de s'assurer qu'elle n'incite pas à prendre des risques inconsidérés », indique le quotidien des affaires.Si la nouvelle réglementation donnant un veto à la Fed sur les politiques de rémunération des holdings bancaires voit bien le jour, la banque centrale américaine devrait imposer l'adoption de mesures dites de « clawbacks », permettant de récupérer les bonus versés à des employés, et d'une manière générale, favoriser le versement de « compensations » sur le long terme. La Fed n'aura pas besoin de l'aval du Congrès pour adopter ce projet, mais du feu vert du conseil de ses gouverneurs qui tranchera dans quelques semaines. Le patron de la Fed, Ben Bernanke, participe à l'élaboration de cette réforme, mais c'est Daniel Tarullo, nommé au conseil de la Fed par Barack Obama, qui l'a proposée. « La crise et la supervision renforcée des autorités fédérales après le lancement du plan de relance financier (Tarp) ont déjà incité de nombreuses banques à adopter ce type de pratiques », note Don Lindner, directeur des rémunérations chez le consultant Worldat-Work.confianceLongtemps éloignées, voire opposées, les positions affichées par les Européens et les Américains se sont donc progressivement rapprochées. De quoi permettre à Christine Lagarde, ministre de l'Économie, de faire preuve de confiance à la veille du G20. L'adoption par le sommet de Pittsburgh d'un « encadrement des bonus » des traders serait « une grande victoire pour l'Union européenne et pour la France », explique Christine Lagarde, dans un entretien accordé au « Journal du dimanche ». Un optimisme partagé par la chancelière allemande, Angela Merkel.Seule voix dissonante, le président de la Commission européenne, José Manuel Barroso, a estimé que les Européens devaient agir seuls sur la limitation des bonus « si les Américains ne suivent pas ». « Je suis pour la liberté des marchés financiers, mais la liberté exige aussi des règles », a-t-il déclaré lors d'une émission diffusée dimanche soir sur TV5 Monde et RFI. Affichant un refus d'un accord a minima, il ajoute que « c'est tellement scandaleux ce qui se passe, c'est vraiment un problème éthique que je trouve que là, si nécessaire, il faut y aller seul ».élargir le débatIl est vrai que face à la pression des Européens pour obtenir des règles mondiales strictes afin de limiter les bonus bancaires, Obama s'est clairement prononcé contre un plafonnement de ces rémunérations variables. Une solution de compromis semble toutefois acceptable pour les États de l'Union européenne après le sommet de Londres tenu la semaine dernière, le Royaume-Uni étant, lui aussi, réticent à l'idée d'un plafonnement des bonus. Au-delà des bonus, Europe et États-Unis s'accordent sur la nécessité d'élargir le débat à l'ensemble de la régulation financière. « Les bonus sont un symptôme de la maladie mais n'en sont pas la cause », juge ainsi Thomas Philippon, professeur à la Stern School of Business de l'université de New York. Le sujet central sera les fonds propres des banques lequel, selon une source proche des négociations, « obsède les Américains », qui veulent voir relever les exigences en la matière. Beaucoup d'Européens résistent, craignant une application différenciée de nouvelles normes, qui favoriserait les Américains dont les règles comptables sont moins strictes.n
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