Jean Echenoz est un homme libre. En choisissant d'évoquer l'existence du génial Nikola Tesla (1856-1943) sous forme de roman, il se libère de la charge écrasante qui incombe généralement au biographe : rendre compte de l'intégralité d'une vie dans ses moindres détails. C'est la magie du romancier de choisir, de piocher quelques faits marquants, quelques anecdotes édifiantes. « Des éclairs », cette « fiction sans scrupules biographiques » comme la présente son éditeur, ne s'embarrasse pas des détails : en moins de 200 pages, Echenoz dresse un portrait de ce scientifique méconnu, ici rebaptisé Gregor. L'écrivain décrit un homme littéralement possédé par ses illuminations de génie, mais qui s'enferme dans un univers stérile relevant presque de l'autisme. Un comportement qui affecte la patience des entrepreneurs fiançant ses expériences et des collaborateurs qui travaillent avec lui.700 brevets déposésOn lui doit des centaines d'inventions décrites souvent de manière brouillonne. Et les quelque 700 brevets déposés tout au long de sa vie qui n'auront pas servi à les protéger. Comme la radio attribuée à Marconi ou les rayons X, récupérés par Röntgen. Echenoz réserve une place de choix à sa rivalité avec Thomas Edison. L'inventeur du courant continu s'oppose avec fougue aux travaux novateurs de Tesla sur le courant alternatif.Le romancier décrit cette surenchère dans les tentatives de l'Américain de démontrer la dangerosité de l'invention de Tesla : rassemblement public pour assister à l'électrocution d'animaux, d'abord de petites bêtes jusqu'à un éléphant. À bout d'argument et face au succès commercial rencontré par l'invention concurrente, Edison va même jusqu'à trouver un condamné à mort volontaire pour être traversé de courant alternatif... La chaise électrique avait trouvé son promoteur !Ce combat épique voit aussi naître à la fin du XIXe siècle deux entreprises américaines qui marqueront le siècle suivant, la General Electric d'Edison et le groupe Westinghouse pour lequel a travaillé Nikola Tesla.Laurent Pericone ? « Des éclairs », de Jean Echenoz. Éditions de Minuit, 176 pages, 14,50 euros.

latribune.fr

22 Oct 2010, 19:08

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