« L'économie et la société chinoise ont à s'adapter »

La crise a-t-elle accéléré le basculement du monde, au profit de la Chine ?En ce qui concerne la place de la Chine dans l'économie mondiale, l'essentiel a été son choix de l'économie de marché : il a libéré les énergies, déclenché une croissance sans précédent, et sorti des centaines de millions de Chinois de l'état d'extrême pauvreté. Et puis, grâce à l'accord avec l'OMC, la Chine a tiré profit de la globalisation en développant exportations et excédents commerciaux. Il est vrai qu'elle a beaucoup mieux traversé la crise que les pays avancés, surtout l'Europe, retrouvant très vite son « trend » de croissance. Mais sa place dans l'économie mondiale reste modeste par rapport à celle des États-Unis et de l'Union européenne.Certains, en Occident, considèrent la Chine comme une menace et poussent à adopter des réponses protectionnistes...Chacun sait, depuis les années 1930, que les réponses protectionnistes sont désastreuses, sur le plan politique comme sur le plan économique. La réponse mondiale a été cette fois adaptée : la réunion immédiate du G20 a manifesté la volonté de coopérer au plus haut niveau pour définir ensemble des réponses à la crise économique et financière et poursuivre la libéralisation des échanges internationaux.Peut-on imaginer voir la Chine exercer demain son leadership sur l'économie mondiale ?La globalisation va provoquer une transformation profonde de la répartition internationale du travail. La Chine a des avantages comparatifs considérables pour en tirer profit, notamment la taille de son marché domestique et ses coûts de main-d'oeuvre. Dans divers secteurs, les entreprises chinoises vont devenir des leaders mondiaux. Mais nous avons aussi de solides avantages comparatifs en Europe. Par exemple, notre état de droit. Qui dispose, comme nous, de régimes protecteurs pour le contrat comme pour la propriété ? Et de solides traditions d'intégrité de l'administration, comme des tribunaux ? Nous avons aussi la démocratie, l'euro... À nous de les exploiter. L'Europe peut promouvoir son propre leadership.La Chine atelier du monde, demain peut-être laboratoire du monde, mais aussi banquier du monde...Du fait des excédents commerciaux, la Chine a accumulé des créances considérables sur l'Occident, surtout sur les États-Unis. Et les banques chinoises sont aujourd'hui en tête des classements en termes de capitalisation boursière. Elles sont peu présentes dans la compétition mondiale ; mais elles viendront. Cela dit, l'industrie bancaire européenne a de solides atouts. La crise financière l'a rappelé.En même temps, on commence à voir quelques signes de fragilité. Craignez-vous l'éclatement d'une « bulle » chinoise ?Je ne sais pas s'il existe une « bulle » chinoise. Ce qui est manifeste, c'est que la croissance, à un tel rythme, de l'économie d'un pays ayant une telle population est une source de problèmes. Certains concernent l'économie mondiale : par exemple, la hausse des prix de l'énergie et des matières premières. Mais surtout l'économie et la société chinoise ont à s'adapter. L'expérience de nos économies occidentales, c'est que de telles croissances sont génératrices de déséquilibres. La Chine a su traiter efficacement les problèmes du cycle pendant la crise actuelle. Sa culture, héritée d'une civilisation plus ancienne que la nôtre, peut la conduire à trouver des solutions inédites. Il reste qu'elle aura tôt ou tard à faire face à des problèmes d'ajustement, économiques et sociaux.La Chine peut-elle avoir une grande place financière internationale ?Elle en a déjà une : Hong Kong est l'un des trois grands centres financiers asiatiques, aux côtés de Singapour et de Tokyo. Elle peut en avoir un autre, un jour, avec Shanghai, qui est déjà un centre financier prometteur. Cela suppose l'abandon du contrôle des changes, qu'elle ne semble pas pressée de réaliser. Nous, Français, ne pouvons guère en être surpris : ce n'est qu'en 1990 que nous avons fini d'abroger la réglementation des changes initiée en 1914.Propos recueillis par Philippe Mabille ? Demain, Isabelle Fernandez, directrice d'Ubifrance à Shangh
Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.