Patrick Jouin ou l'éloge des objets usuels

Pourquoi êtes-vous un designer ? Qu'est-ce qui vous motive ?Innover. C'est obligatoire, autrement ce métier n'a aucun intérêt. Les innovations peuvent être esthétiques, sémantiques, techniques. Quand on dessine un objet, il ne faut jamais oublier qu'il en existe des milliers. Si on travaille sur des objets très simples comme les couverts, leurs formes évoluent depuis des siècles. À chaque fois qu'on commence à dessiner un objet toute l'histoire de la création humaine, de la réflexion sur l'objet, l'usage, la technique est présente à l'esprit. Les influences sont infinies. Dessiner un objet, c'est réinventer l'usage et les émotions qui l'accompagnent. Je cherche cet équilibre entre innovation et efficacité. Ne pas faire un objet de plus. C'est, pour moi, la définition idéale du design. Après on peut facilement tomber dans un minimalisme bon chic bon genre qui fait que l'on ne prend pas de risques esthétiques. Mais, pour moi, ce n'est pas intéressant. Dans une maison comme Puyforcat, lorsque l'on crée un objet usuel, au début on se dit que l'on va faire une gamme de couverts puis très vite on comprend tout le raffinement qui est en jeu.Quel est l'objet le plus important que vous ayez créé ?Aucun, tous. Quand on a fini de dessiner un objet, il part à la fabrication. On réfléchit à de nouveaux projets, c'est une sorte de continuum. Pour créer les sanisettes, j'ai utilisé toute mon expérience, j'ai mis tout mon savoir-faire dans cet objet. Forcément, comme ça a un impact dans la rue, l'objet prend plus d'importance symbolique. Mais pour moi, c'est pareil que de dessiner un petit vase. J'y consacre autant de temps. Pour moi, c'est du papier qui, ensuite, est multiplié par l'industrie.Quel regard portez-vous sur le design ? Êtes-vous favorable à un retour de l'objet usuel ?Avant, il y avait des designers stars, maintenant il y a plein d'écoles de design. Des centaines de designers en sortent tous les ans. Ce n'est plus une profession d'autodidactes mais un métier enseigné avec les qualités et les défauts de l'exercice. Les objets en sortent gagnants. Dans ce sens, le design va donc dans la bonne direction. Il s'est démystifié. C'est ce que j'essaie de montrer dans l'exposition. Je trouve terrible quand dans une vente aux enchères, une chaise de Jean Prouvé atteint des prix hallucinants. Le design n'est pas destiné à ça. On perd son objectif premier. Ce n'est pas seulement une forme purement esthétique. Le design se perd quand il essaie trop de flirter avec l'art. C'est bien de faire de la recherche mais il ne faut pas faire que ça. C'est dommage. n
Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.