révolution n° 2

C'est la vraie mort du consensus de Washington. Cette doctrine de politique économique d'inspiration néolibérale formulée à la fin des années 1980, mise en pratique avant l'heure par Ronald Reagan et Margaret Thatcher, avait trouvé un terrain d'expérimentation privilégié avec les programmes du Fonds monétaire international (FMI). Privatisation à marche forcée des entreprises d'État, ouverture d'économies par définition fragiles aux vents de la concurrence, libéralisation du marché du travail, coupes claires dans les budgets sociaux, repli de l'État : l'orthodoxie libérale triomphait avec la chute du communisme. Mais dans les pays africains, on subit encore aujourd'hui les conséquences de ces programmes d'ajustement structurels (PAS). L'Amérique latine comptait 120 millions d'habitants (41 %) sous le seuil de pauvreté en 1980 et près du double vingt ans plus tard (45 %), selon l'Organisation internationale du travail. Et au cours de la décennie 1990, la dette sud-américaine est passée de 492 milliards de dollars à 787 milliards... Ce terrible bilan, encore alourdi par les interventions controversées du FMI lors de la crise asiatique en 1997-1998, a commencé à sonner le glas du consensus de Washington dénoncé par des économistes comme Joseph Stiglitz ou Paul Krugman. Et la Grande Récession n'a fait qu'ajouter à la critique. Voici les nouveaux canons de la politique économique préconisée par le Fonds. Pas de libéralisation systématique des mouvements de capitaux. Désormais, le contrôle aux frontières des capitaux a sa place dans la boîte à outils des États émergents qui ont besoin de protéger leur taux de change et le prix de leurs actifs d'un afflux ou d'un retrait brutal de liquidités internationales. Mais, aux yeux du Fonds, les leviers économiques classiques (équilibre budgétaire, libéralisation du taux de change, etc.) doivent d'abord être activés. « En cas de crise, le contrôle de capitaux peut aider à passer un cap difficile », explique-t-on au FMI. L'exemple de la Chine, dont la monnaie n'est pas convertible, a frappé les esprits. Quant au Brésil, il a récemment instauré une taxation des capitaux à l'entrée du pays, pour éviter la surchauffe. Pourquoi pas un peu d'inflation. En février un autre « working paper » a provoqué une levée de boucliers chez les banquiers centraux. Olivier Blanchard, l'économiste en chef du FMI, y brisait un tabou. Pour l'économiste, la limitation de l'inflation à 2 % (objectif de la plupart des banques centrales) finit par rendre la politique monétaire inefficace. En cas de baisse d'activité, les autorités monétaires arrivent très rapidement au taquet, contraignant le gouvernement à creuser son déficit budgétaire - c'est le cas actuellement. Avec, risque supplémentaire, la perspective d'enfermer l'économie dans une trappe à liquidité comme l'est le Japon, piégé dans la déflation. Olivier Blanchard verrait donc d'un bon oeil que le plafond d'inflation soit porté à 4 %. Le pouvoir d'achat des populations en souffrirait, mais les États qui se sont surendettés pour secourir leurs banques et leur économie seraient soulagés d'autant, car un autre défi les attend avec le vieillissement des populations. La création de stabilisateurs automatiques sociaux. Blanchard va jusqu'à préconiser la création de « stabilisateurs automatiques sociaux », qui se traduiraient par exemple par l'allongement de la durée d'indemnisation chômage sans passer par une loi, si son taux dépasse un certain niveau. « En 2008, lorsque les premiers pays victimes de la crise frappent à la porte du Fonds, ce dernier a écarté les propositions les plus dures comme le recul de l'âge de la scolarisation à 8 ans, ou la diminution du montant des retraites dans la fonction publique », rapporte également un « insider ». L. C.
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