Le plan fibre optique à nouveau en chantier

La France est-elle en retard dans la fibre optique ? Le débat refait surface depuis quelques semaines. Le 3 juillet, des élus s\'inquiétant que « les opérateurs réduisent actuellement leurs investissements » ont lancé l\'« appel de Valence », un plaidoyer pour « une modification profonde des orientations du programme national très haut débit par une stratégie ambitieuse au plus haut niveau de l\'Etat. » Parmi ses promoteurs, le sénateur (UMP) de la Moselle, Philippe Leroy, co-auteur avec Hervé Maurey, d\'une proposition parlementaire de loi sur l\'aménagement numérique. Une semaine plus tard, les industriels de la filière (FIEEC) ont à leur tour lancé un appel « pour passer au très haut débit en fibre optique : un impératif pour la croissance », s\'alarmant que « la France prend actuellement du retard : nous rendons à peine 400.000 logements raccordables à la fibre optique chaque année. » Selon nos informations, le gouvernement ne devrait pas rester sourd à ces appels.« Le cabinet de Fleur Pellerin [la ministre déléguée à l\'Economie numérique] entend lancer une table ronde sur la fibre à la fin juillet pour fixer une feuille de route » rapporte un opérateur. La réunion devrait se tenir vendredi prochain, comme l\'indique l\'agenda d\'Arnaud Montebourg, le ministre du Redressement productif, communiqué ce vendredi soir. L\'idée serait de « réunir toutes les parties prenantes, en particulier les élus. » Le tout « dans un esprit de concertation et de réconciliation » confie un haut fonctionnaire. « Le cadre actuel ne nous satisfait pas complètement, ni les collectivités territoriales » a déclaré Fleur Pellerin mercredi lors d\'une audition devant la commission des affaires économiques de l\'Assemblée nationale. « Est-ce qu\'on remet tout à plat, quitte à perdre deux ans, ou est-ce qu\'on continue en corrigeant certaines choses ? » s\'interroge-t-on à Bercy.\"La fibre pour tous\" ou pas ? Selon une source proche du dossier, cette table ronde sera articulée autour de quatre chapitres : « les objectifs, la gouvernance, le financement et l\'écosystème. » Elle devra ainsi « définir clairement les objectifs »à long terme par rapport au plan Très haut débit élaboré sous Nicolas Sarkozy qui avait l\'ambition de couvrir 70% de la population en 2020 et 100% en 2025. « Ce ne sera probablement pas de la fibre pour tous » estime un opérateur. C\'est l\'un des points de friction entre élus et opérateurs. Dans cet appel de Valence, également promu par deux présidents de syndicats mixtes, Hervé Rasclard pour Ardèche Drôme Numérique, et Alain Lagarde, pour Dorsal (Limousin), les élus affirment la nécessité de « bâtir un nouveau partenariat public-privé », en particulier de réaffirmer « le choix de la fibre pour tous. » Ils s\'inquiètent de la prochaine commercialisation du VDSL2, sorte de super ADSL plus rapide, qu\'ils perçoivent comme « la poursuite de la pérennisation du réseau téléphonique filaire en cuivre » et « conforte l\'idée que les opérateurs retardent le FTTH [la fibre jusqu\'à l\'abonné] au profit de la rente du cuivre. » Ils demandent aussi d\'organiser « le basculement du modèle économique du secteur, du réseau cuivre vers le réseau fibre, en fixant une date-butoir. » C\'est le concept d\'extinction du cuivre, à l\'image de celle de la télévision analogique : il faudrait obliger France Télécom à « éteindre » le bon vieux réseau du téléphone encore utilisé pour l\'ADSL. Mais les opérateurs sont vent debout contre cette idée.Une instance de pilotage national du plan Très haut débit Au chapitre de la gouvernance, la table ronde gouvernementale se penchera sur l\'articulation entre public et privé, entre Etat et collectivités. La ministre a affirmé mercredi la nécessité d\'une « institution, d\'une instance de pilotage national, pouvant apporter de l\'assistance à maîtrise d\'ouvrage aux collectivités. » L\'appel de Valence réclame justement « un pilotage public national fort avec les élus du Parlement et des collectivités », estimant que les priorités du déploiement de la fibre « ne peuvent être imposées unilatéralement par les seuls opérateurs issus de l\'ADSL. » Ici se trouve le principal reproche des élus : ils craignent d\'être otages des intentions de déploiements des opérateurs et n\'acceptent pas que le programme des Investissements d\'avenir (le Grand Emprunt) ait réservé les zones rentables (les villes) aux opérateurs privés, déjà dénoncés l\'été dernier par l\'appel d\'Aurillac, lors de la conférence Ruralitic.La proposition de loi Maurey-Leroy, adoptée au Sénat en février, prévoit d\'ailleurs de donner la possibilité aux collectivités de « déployer des réseaux à très haut débit sur l\'ensemble de leur territoire » et de « contractualiser les engagements de couverture des opérateurs » : l\'appel de Valence demande qu\'elle soit mise à l\'ordre du jour de l\'Assemblée très rapidement. Fleur Pellerin a déclaré mercredi que le gouvernement souhaite que les opérateurs soient davantage contraints par les calendriers de déploiements et « qu\'en cas de carence, les collectivités puissent se substituer à l\'opérateur privé. » Bercy serait aussi sensible à la demande des collectivités que les opérateurs s\'engagent à utiliser les nouveaux réseaux d\'initiative publique. Sans être pour autant favorable à une remise en cause du « monopole » du privé sur les zones rentables. René Ricol, le précédent Commissaire général à l\'investissement voulait \"éviter les erreurs du plan câble.\"Réaffecter le milliard d\'euros de prêts aux réseaux publics La problématique du financement est liée : les élus, qui voudraient déployer ailleurs que dans les zones non denses, demandent de réaffecter le milliard d\'euros, prévu pour des prêts non bonifiés de maturité longue aux opérateurs (volet A), mais « non sollicité par les opérateurs », au volet B dédié aux collectivités locales (900 millions de subventions aux réseaux d\'initiatives publiques venant complétant les déploiements d\'initiative privée). La ministre a effectivement relevé mercredi que le milliard n\'était « pas du tout consommé. »Elle a aussi observé le « manque d\'un dispositif de péréquation » et le fait que le FANT (le fonds d\'aménagement numérique du territoire) n\'était toujours pas abondé. L\'Avicca, l\'association des villes et collectivités locales pour les communications électroniques et l\'audiovisuel, demande de son côté « le déblocage rapide des dossiers instruits au Commissariat général à l\'investissement depuis de longs mois, et la notification des aides du Fonds national pour la société numérique. » En effet, l\'association relève qu\'il est « important de ne pas retarder ce qui peut démarrer. Les indicateurs industriels montrent que l\'investissement est en chute libre depuis un an. » Le rythme du déploiement s\'est en effet ralenti, passant de 140.000 nouvelles prises au troisième trimestre 2011 à 125.000 au quatrième et 105.000 au premier trimestre 2012. Le nombre de logements éligibles à la fibre optique n\'a progressé que de 7% en un trimestre, pour atteindre 1,58 million. Et le nombre d\'abonnés à la fibre (FTTH) ne s\'élève qu\'à 220.000 à la fin mars, selon les derniers chiffres du régulateur des télécoms, l\'Arcep.  
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