Danone et Lactalis désignés comme responsables

Cette fois, les producteurs de lait ne s'en prennent plus à Leclerc, Système U, Intermarché et autres Carrefour. Trois mois après avoir saccagé les parkings, rayons et entrepôts d'hypermarchés dans l'ouest de la France, les agriculteurs ont choisi pour cibles les usines laitières pour leur grève du lait. De Danone à Entremont, en passant par Lactalis et Sodiaal, pas un grand nom de la transformation du lait en yaourt et fromage n'a échappé aux épandages, blocages et barrages de tracteurs. Depuis le début de la crise, en mai, le vent a manifestement tourné. À l'époque, seuls les distributeurs étaient jugés responsables. Michel Barnier, alors ministre de l'Agriculture, avait dénoncé leurs marges, prêtant le flanc à la vindicte populaire sur la loi de modernisation de l'économie censée défavoriser les agriculteurs. Il n'en est plus rien. Vent debout au printemps, Leclerc et Intermarché sont désormais muets comme des carpes. Pourquoi ? « La publication de l'Observatoire des prix et des marges, en vigueur dans la filière lait, a fait son ?uvre. On nous embête beaucoup moins depuis ! », répondent les responsables de Système U. Monté d'urgence à la demande de Michel Barnier et Luc Chatel, alors secrétaire d'État à la Consommation, un comité de pilotage a publié, fin juillet, des chiffres sur la répartition des marges sur un litre de lait. « Cette publication a dévoilé combien les marges des distributeurs sont restées stables », juge un distributeur. Et, depuis, les industriels en ont pris pour leur grade. Selon l'Observatoire, les producteurs de lait touchent 25,9 % du prix payé en caisse par un consommateur, quand les industriels en récupèrent 52,1 %, et les distributeurs 17,1 %. Voilà quatre ans, les rapports étaient plus équilibrés : les producteurs percevaient 32,2 % du prix, les industriels 34,1%, et les distributeurs 28,5 %. « Bref, la part de la distribution a tendance à baisser, tandis que celle des Danone, Lactalis et autres Sodiaal augmente », plaide une enseigne de distribution. Mais il ne faut pas s'arrêter à la seule analyse du marché du lait UHT. « Tout le monde a tendance à croire que tout le lait collecté en France est destiné au lait de consommation. Or il ne représente que 16 % de la collecte totale, loin derrière les yaourts et les fromages ! », rappelle Roger Beguinot, président d'Orlait, une filiale de Sodiaal qui fabrique du lait de consommation. De fait, tout s'inverse sur les segments du beurre, du yaourt et de l'emmental. Les industriels touchent environ 11,9 % du prix d'une plaquette. Mais 45,8 % d'un pack de yaourts et 34,1 % d'un morceau d'emmental ! « Ce sont des marchés très bagarrés, avec de grosses pressions de la concurrence étrangère, sur l'emmental notamment. Donc, les industriels ne peuvent pas se gaver sur les marges », se défend Roger Beguinot. Dès lors, les producteurs laitiers s'interrogent sur la transparence de la filière. Et pas seulement en France. La baisse marquée des prix du lait et des produits laitiers entre la fin 2007 et la mi-2009 (? 39 % pour le beurre, ? 49 % pour le lait écrémé en poudre, ? 18 % pour le fromage, ? 31  % pour le lait) n'a entraîné, sur la même période, qu'un repli d'environ 2 % des prix à la consommation des produits laitiers, selon la Commission européenne. Juliette Garnier avec Sophie Lécluse
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