Le low-cost ou l'économie du soupçon

Le low-cost, on le sait, n'est pas né avec la crise. Mais il ne lui est peut-être pas totalement étranger : partout, que ce soit dans l'aérien, le textile, l'alimentaire, le bricolage, l'électroménager, le tourisme, les télécoms et aujourd'hui la voiture, il a accru les surcapacités, pesé sur la croissance organique des leaders comme sur leur rentabilité. Or, le voilà plébiscité par les investisseurs comme modèle dominant de la sortie de crise, révèle l'étude du cabinet de conseil parisien ApiFrance (lire page 17) : il est vrai que avec ses faibles marges unitaires, le modèle à bas coûts n'a génétiquement d'autre choix que de se bâtir au plus vite une taille critique. Ce qui lui confère une capacité exceptionnelle à développer son activité dans un environnement atone, quand les clients comptent leurs sous. Le secteur aérien l'a bien montré : le modèle low-cost est un développeur de marché, quelle que soit la conjoncture. Et les profits d'Easyjet comme ceux de Ryanair, au moment où notre champion national Air France se prépare à deux années de pertes, confirment que sa résistance est immense. C'est tout le pari des investisseurs en quête d'amortisseurs pour affronter une année 2010 qui s'annonce peu enthousiasmante. Mais, est-ce si bien vu ? Bien sûr, ce modèle repose sur une productivité poussée à outrance grâce à l'industrialisation de ses procédures, au recours systématique à Internet, et à une mise en concurrence permanente des usines du monde entier pour ses approvisionnements. En somme, la rationalité économique érigée en système. Seulement, si le low-cost a grandi avec la crise, la question est désormais de savoir s'il ne la nourrit pas. Car, à force de s'étendre à tous les secteurs, où il tire toutes les références vers le bas, il a un effet non seulement désinflationniste, mais peut-être aussi déflationniste. Il augmente, certes, le pouvoir d'achat de ses clients. Mais, en tenant ses coûts au plus serré, il réduit aussi les revenus de ses salariés. En simplifiant son offre à l'extrême pour répondre à des attentes réduites à l'essentiel, il transfère une partie de la valeur ajoutée sur le client. En comptabilité nationale, il détruit de la richesse. Enfin et surtout, en faisant naître un doute sur la légitimité de chaque prix, et sur la valeur des valeurs, il crée insidieusement une société du soupçon. Est-ce donc cela la « sortie de crise » que nous promettent les investisseurs [email protected] Valérie Segond
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