Il ne faut pas laisser retomber le soufflé du G20

À la veille des sommets du G20 et du G8 qui vont avoir lieu à Toronto, il est important de rappeler l'importance de ce que les Anglo-Saxons appellent le momentum. La France, depuis les débuts de la crise financière, a su être à la pointe des débats et des forums internationaux, pour faire passer quelques idées-forces sur la gouvernance financière multilatérale. En ce sens, nous avons remporté une première victoire. Mais cette première victoire risque fort de se limiter à des mots si nous laissons le soufflé retomber. Le laisser-faire naturel de la plupart des membres du G20, le sentiment que le gros de la crise est passé vont avoir un effet démobilisateur, face à des thèmes difficiles et complexes, sur lesquels les dirigeants savent que leur popularité ne sera pas testée ni leur réussite appréciée.Au G20 de Pittsburgh, en septembre dernier, les premières critiques sur le manque d'ambition s'étaient fait jour. Mais les discours comme ceux de Jacques Attali sur le « G vain » sont restés limités. Le risque est grand aujourd'hui d'envoyer aux milieux économiques un message de fatalisme, en ne franchissant pas une nouvelle étape en matière de régulation financière. Par ailleurs, un risque parallèle existe de diluer les objectifs multilatéraux dans une série de stratégies nationales. C'est un peu ce que le président Barack Obama vient de faire en rappelant ses priorités en matière de relance et de revalorisation du yuan chinois. Enfin, la reprise économique (vigoureuse partout sauf en Europe) incite à repousser à plus tard des mesures complexes à mettre en oeuvre.La régulation financière internationale est, en effet, arrivée à un tournant. Au-delà des effets de manche sur les traders, il reste à s'attaquer au plus dur. Pour les activités financières, il s'agit de renforcer les ratios prudentiels, de disposer d'outils de surveillance des marchés de produits dérivés et de la responsabilisation du secteur bancaire. Mais au-delà, il est aussi essentiel de mieux définir la relation entre la régulation bancaire et la normalisation comptable, ainsi que de reprendre la refonte de cette dernière. En la matière, faute d'élan politique, il est quasiment certain que la réforme du normalisateur international, l'IASB n'aura pas lieu. Ce normalisateur, incapable de s'autoréformer, va de manière infaillible retourner à sa doctrine première, sans comprendre que les deux dernières années ont démontré que la valeur de marché ne pouvait être l'alpha et l'oméga d'une comptabilité fidèle.Faut-il perdre toute raison d'espérer? ? Non, bien sûr. L'Europe a sans doute pris conscience de l'importance de maîtriser son destin comptable. Elle doit pouvoir jouer d'un effet de levier pour imposer à l'IASB une vraie refonte de ses concepts fondateurs et de nombreuses normes déconnectées de la réalité économique. Dans cette perspective, le G20 de Toronto est l'occasion de faire passer le message européen. Ce message est simple?: au-delà de l'existence d'un normalisateur international et d'une nécessaire convergence avec les autres normes (notamment américaines), il faut impérativement que soient définis, par ceux qui détiennent la légitimité politique, les objectifs d'une normalisation internationale. Ces objectifs ne se limitent pas aux besoins des investisseurs de marché, mais doivent prendre en compte toutes les parties prenantes de l'entreprise. Ils doivent également insister sur la nécessaire stabilité des référentiels, pour ne pas prolonger l'incertitude sur la valeur qui entretient la volatilité des marchés financiers. Pour cela, espérons que nos dirigeants ne céderont pas à la facilité d'un retour encore fragile à la croissance pour abandonner le chantier de la refonte de la normalisation comptable internationale. La reprise, bien ténue encore, de l'Europe est notamment à ce prix.Point de vue Édouard Salustro Cabinet Édouard Salustro
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