Alerte rouge sur la monnaie européenne

Tempête sur l'euro. Le marché des changes a fait sauter un verrou. Depuis la première phase de la crise de la dette grecque, il n'avait plus fait descendre l'euro en dessous de 1,3435 face au dollar, son point bas de dix mois. Laissant à l'Europe le bénéfice du doute, les acteurs du marché accordaient temporairement leur confiance aux institutions européennes pour qu'elles prennent leurs responsabilités afin d'organiser le plan de sauvetage de l'un des membres de longue date de la zone euro, puisque ce n'est que deux ans après sa création qu'Athènes avait été accueilli en son sein. Pour déclencher le tir de barrage du marché des changes, il a suffi que, mercredi, le Fonds monétaire international (FMI) entre en scène, pressenti pour s'impliquer auprès de la zone euro dans le dispositif d'aide à la Grèce, avant même le début du sommet des chefs d'État et de gouvernement de l'Union européenne. Du coup, l'euro a enfoncé son précédent seuil de résistance, tombant en dessous de 1,34 dollar pour la première fois depuis mai 2009. L'agence d'évaluation financière Fitch a porté le coup de grâce en mettant ses menaces à exécution : elle a abaissé d'un cran de AA à AA? la note souveraine du Portugal, l'assortissant d'une perspective négative, faisant au passage dériver l'euro jusqu'à 1,3330.C'est une double question qui se pose aux marchés. Si le FMI est appelé en renfort, ne va-t-il pas imposer à la Grèce une cure d'austérité encore plus draconienne compte tenu du fait qu'Athènes ne peut pas dévaluer sa monnaie fondue dans l'euro, avec à la clé l'hypothèse extrême d'une sortie temporaire de la zone euro ? Si l'Europe n'est pas en mesure de venir au chevet d'un petit pays comme la Grèce, qu'en sera-t-il si les plus fragiles de ses membres, Portugal et, pire, Espagne, étaient aspirés dans une spirale d'endettement à la grecque ? Ces incertitudes sont si lourdes de conséquence que les opérateurs évoquent déjà une chute de l'euro jusqu'à 1,25 dollar. C'est le point haut touché par le billet vert à la même période de l'an dernier, lorsqu'il arrivait au terme de la phase de reprise spectaculaire qui avait suivi la faillite de Lehman Brothers, l'aversion au risque, alors maximale, lui ayant restauré son statut de monnaie refuge. À une différence près : à l'époque c'était le dollar qui montait, alors qu'aujourd'hui c'est l'euro qui baisse. Une telle rechute scellerait la perte de confiance des marchés envers l'euro, même si ce niveau reste extrêmement éloigné du record de faiblesse atteint par la monnaie unique moins de deux ans après son lancement, en décembre 2000, à 0,8230 dollar.En attendant, les eurosceptiques triomphent. Ceux - nombreux - qui prétendaient que l'Europe avait mis la charrue avant les boeufs en créant une monnaie unique et une banque centrale indépendante, seul organisme supranational de la zone euro, sans projet de gouvernement économique, pavanent. Mais il en faudra davantage pour que l'Europe laisse se disloquer l'édifice monétaire qu'elle a commencé à bâtir dès les années 1950.
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