Seule la peur du gendarme retient les acheteurs de yens

Où va le yen après la première intervention concertée des banques centrales du G7 sur le marché des changes depuis l'an 2000 pour venir en aide au Japon meurtri ? Les stratèges change des grandes banques sont pour le moins divisés. Pour l'heure, on ne peut que constater que les « taureaux » - les acheteurs - n'ont pas capitulé, même s'ils ont lâché un peu de lest. Certes, la monnaie de l'archipel a décollé du record historique de vigueur face au dollar atteint le 17 mars à 76,25. Mais les acteurs du marché des changes testent à nouveau le seuil de 80, ne retenant leur élan que dans la crainte d'un retour des grands argentiers du G7. Selon Jean-Claude Juncker, le président de l'Eurogroupe, les trois principales banques centrales - Fed, BCE et Banque du Japon - restent l'arme au pied, prêtes à intervenir à nouveau, si nécessaire, alors que le yen recommence à aller dans « la mauvaise direction ». Les économistes qui tablent sur un affaiblissement durable du yen avancent l'hypothèse que la peur du gendarme va l'emporter dans un contexte économique très défavorable au Japon. Selon eux, le yen va à nouveau servir de vecteur aux stratégies de « carry trade », cette pratique spéculative qui consiste à jouer sur les écarts de rendements, qui a eu son heure de gloire avant le déclenchement de la crise financière. Ils étayent cette prédiction par les inflexions de politique monétaire qui se préparent dans les grands pays. Après l'Asie et l'Amérique latine où de nombreux pays ont déjà relevé leurs taux pour contrecarrer la résurgence de l'inflation, la BCE a d'ores et déjà annoncé qu'elle procèderait à son premier tour de vis monétaire le 7 avril, date de son prochain conseil, et la Banque d'Angleterre pourrait suivre dès le mois suivant, tandis que la Fed achèvera son programme d'assouplissement quantitatif bis fin juin, avant une éventuelle inflexion du cycle des taux. La Banque du Japon serait donc la seule à maintenir son taux directeur à un niveau voisin de zéro (0,1% actuellement) pendant une période prolongée. Verdict sans appelLes stratèges qui penchent pour un regain de vigueur du yen font valoir que l'impératif de la reconstruction va nécessiter le rapatriement massif de capitaux au Japon. Les sommes en jeu sont énormes car le Japon est un énorme pourvoyeur de capitaux à l'échelle de la planète. Dans son rapport mensuel publié jeudi, la Banque du Japon a donné son estimation initiale des dégâts matériels du séisme et du tsunami qui a suivi et le verdict est sans appel: 310 milliards de dollars. La même banque centrale de Tokyo évalue les avoirs japonais à l'étranger, sous forme d'investissements de portefeuille, à 3.500 milliards de dollars, dont un tiers aux Etats-Unis et un autre tiers en Europe. Si l'on extrapole l'après Kobe de janvier 1995, c'est ce second phénomène qui serait appelé à l'emporter. Au cours des trois mois qui avaient suivi le tremblement de terre alors moins dévastateur, le yen s'était apprécié de 20 % face au dollar sous l'effet des rapatriements de capitaux. Même si l'histoire ne se répète jamais et que les conditions de l'époque étaient différentes de celles d'aujourd'hui, on comprend que les banques centrales restent d'une très grande vigilance.
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