Le grand écart énergétique

Maîtriser les dépenses publiques d'un côté, et répondre à ses engagements européens de l'autre, le gouvernement est soumis à un grand écart. Soucieuse de s'assurer que les objectifs du paquet Énergie-Climat en matière de développement des énergies renouvelables ne restent pas lettre morte, la Commission européenne a exigé que les gouvernements lui soumettent des programmes détaillés. Ceux-ci présentent les objectifs nationaux à dix ans en matière d'énergie pour les transports, la production d'électricité et de chauffage. Le gouvernement français a donc publié, en août, un programme présentant sa méthode pour accroître à 23 % l'énergie d'origine renouvelable d'ici à 2020 et force est de constater qu'il est pour le moins surprenant.Le premier levier sur lequel le gouvernement entend jouer est celui de la consommation. Le scénario proposé vise à réaliser une baisse de 38 % des consommations pour le chauffage des bâtiments d'ici à 2020 ! C'est le programme d'économie de loin le plus ambitieux au monde. En effet, il faudrait imposer la construction de bâtiments à énergie positive pour tous les logements neufs et réhabiliter massivement un million de logements par an pour y parvenir. Le gouvernement ne s'y trompe pas puisqu'il annonce une rénovation de l'ensemble des bâtiments français d'ici à 2020. Le plan d'action ne précise pas - hélas - les moyens à mettre en oeuvre pour y arriver... et le président de la Fnaim s'est fixé un objectif, déjà audacieux, de 100.000 réhabilitations chaque année, dix fois moins que nécessaire.Côté électricité, le constat est tout aussi désappointant. Selon le gouvernement, deux millions de véhicules électriques rouleront en 2020, et le nombre de pompes à chaleur aura doublé, impliquant un surcroît de consommation d'au moins 15 térawattheures (TWh). Or le gouvernement prévoit une production d'électricité quasi stable. Le RTE, gestionnaire du réseau électrique, dans son scénario prévisionnel révisé suite à la crise économique, annonce plus prudemment une dérive de plus de 20 TWh... d'ici à 2015.En matière d'énergie verte, les approximations se poursuivent. On apprend que le gouvernement compte installer une centrale géothermique de 100 MW à la Dominique ; mais comme il précise qu'il ne compte pas avoir recours à des projets étrangers, il ne lui reste plus qu'à préciser la date d'annexion de la Dominique ! Autre erreur grossière, l'État comptabilise la production des stations de pompage hydraulique dans le solde des énergies renouvelables. Ces stations ne servant qu'à stocker pendant la nuit une production classique d'électricité, la Commission européenne interdisait de les comptabiliser. En les intégrant, ce sont 7,2 TWh qui s'ajoutent à la production hydraulique, soit l'équivalent de deux millions de toits solaires individuels.Les autres propositions en matière d'énergie verte restent pour le moins optimistes. 667 MW d'éoliennes marines sont censées être en ligne en 2012 alors que les résultats de l'appel d'offres ne seront connus au mieux que fin 2011. De même, un doublement du nombre de pompes à chaleur est prévu alors que le RTE souligne dans sa dernière note de conjoncture que « les professionnels s'attendent à un ralentissement notable de l'activité en 2010, voire une stagnation des ventes résultant de la baisse du crédit d'impôt ». En matière de photovoltaïque, le programme propose un objectif de 5.400 MW quand les Allemands en planifient neuf fois plus : 51.000 MW !En outre, moins de deux mois après sa parution, l'État a d'ores et déjà annoncé la disparition de nombreuses dispositions d'accompagnement de ce programme. Avec les mesures maintenues, l'État français ne peut prétendre faire mieux que 17 % d'énergie renouvelable à l'horizon de 2020. Un résultat très éloigné des engagements de 23 % qu'il a pris et dont il s'est enorgueilli, à juste titre, à l'occasion de l'adoption, sous sa présidence, des directives du paquet Énergie-Climat. La seule question qui se pose maintenant est de savoir combien de semaines s'écouleront avant que le gouvernement ne fasse l'objet d'une procédure de manquement à ses obligations européennes. À moins que la nouvelle ministre de l'Écologie, Nathalie Kosciusko-Morizet, ne rectifie le tir en remettant les compteurs de l'énergie à la bonne heure. Ce qui lui sera difficile, puisque le dossier Énergie vient d'être officiellement délocalisé à Bercy sous la houlette d'Éric Besson. Par Ariane Vennin Porte-parole d'Écologie sans Frontièreet François DauphinExpert international énergie-climat
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