L'analyse d'Erik Izraelewicz : une reprise trop poussive

Grâce à ses amortisseurs sociaux, la France a moins souffert que bien des pays de la crise. La récession y a été moins violente (une baisse du PIB de 2,5% en 2009, l'année noire). Comme attendu, elle a néanmoins bien du mal à redémarrer. La reprise y est plus lente, plus molle, plus fragile, à petite vitesse, pour reprendre les qualificatifs utilisés par l'Insee, le FMI et les conjoncturistes privés. La croissance atteindra finalement avec peine en 2010 les 1,4% prévus par le gouvernement. Bien des interrogations pèsent maintenant sur l'objectif officiel pour 2011. Un PIB en hausse de 2,5% l'an prochain ? À l'Élysée, face aux sombres discours de ces éternels Cassandre que sont les commentateurs économiques, Nicolas Sarkozy affirme que l'activité, sur le terrain, est bien meilleure que ce que l'on en dit. Les chiffres conduisent pourtant à la plus grande prudence. Même Christine Lagarde, la ministre de l'Économie, juge désormais «ambitieux», voire «audacieux» ce taux de croissance espéré. Il y aura bien révision de ce chiffre, mais on attendra l'été, lorsque l'on connaîtra les chiffres du second trimestre 2010. Moteurs essoufflésUne révision, pourquoi ? La raison en est simple. Aucun des trois moteurs traditionnels de la croissance (la consommation, l'investissement et l'exportation) n'est susceptible, dans les mois qui viennent, de donner un coup d'accélérateur au mouvement.Côté consommation des ménages, les chiffres erratiques des premiers mois de l'année ne doivent pas masquer la tendance. Celle-ci n'est pas bonne. Et ce n'est pas une surprise. La fin des mesures de relance (les réductions d'impôts de 2009, les primes à la casse et autres), la poursuite de la hausse du chômage (confirmée avec les chiffres du mois de mai) et les tarifs en hausse d'un certain nombre de produits emblématiques (gaz, électricité, carburant, etc...) plombent l'ambiance. En fouillant bien, Bercy réussit parfois à trouver dans les chiffres publiés des éléments de réconfort, constater par exemple un arrêt des destructions d'emploi ou un indice des prix en ralentissement, ce n'est pas la perception qu'en ont les consommateurs. Et peu d'éléments conduisent à parier sur une inversion de tendance dans les mois à venir. L'Insee voit une stabilisation du chômage en 2010. Si baisse il doit y avoir en 2011, ce ne sera pas à un rythme effréné. Laurent Wauquiez accuse les entreprises, « trop frileuses » à son goût. Elles ne font en fait que réagir à un environnement qui reste incertain. Pour réduire les déficits, l'État va accroître, de diverses manières, la ponction fiscale. Au-delà des mesures annoncées dans le cadre de la réforme des retraites, « nous devons faire plus », a averti Claude Guéant. Cela affectera obligatoirement le pouvoir d'achat des ménages, leur consommation donc. Des PME à la peineConséquence logique, l'investissement des entreprises, autre moteur potentiel de la croissance, devrait rester modéré dans les mois à venir. L'Insee annonce, pour 2010, un arrêt de la baisse. Modérément encourageant, effectivement. Après plusieurs années « sans », les entreprises vont être obligées de s'y remettre, ne serait-ce que pour remettre à niveau leur outil de production. La faiblesse de la demande, le niveau actuel, modeste, d'utilisation des capacités et l'incertitude sur les conditions de financement (de très nombreuses PME se plaignent toujours de difficultés sur ce front) vont néanmoins peser sur leur entrain. D'ores et déjà, les enquêtes d'opinion réalisées auprès des dirigeants d'entreprise confirment une grande prudence. Dernier moteur susceptible de tirer l'activité, les exportations. La baisse de l'euro a donné, ces derniers mois, un coup de pouce à nos ventes à l'étranger, à la croissance en France en conséquence. La question est de savoir si cette dévaluation de notre devise commune va se poursuivre, à quel rythme et jusqu'où. Depuis quelques semaines, le mouvement s'est arrêté, s'il ne s'est pas inversé. Indépendamment de la parité de la monnaie, cruciale, la demande mondiale a connu une forte accélération sur les derniers mois. L'Insee, comme les autres grandes organisations internationales, prévoit désormais une « dégradation du contexte international », une demande externe moins dynamique donc. Dans la moyenne européenneUne consommation hésitante, des investissements modestes, des exportations moins dynamiques : voilà finalement ce qui pourrait amener Bercy à réviser, cet été, sa prévision de croissance pour 2011 ? autour de 2% sans doute au lieu des 2,5% retenus jusqu'à présent. Pendant ce temps-là, l'Amérique fera 3% au moins et la Chine 10%. La France pourra se rassurer en soulignant qu'elle reste dans la moyenne européenne. Ce qui n'est pas faux, même si ce n'est pas glorieux !
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