La ruée vers la terre

Un paradoxe. Alors que ce début de XXI° siècle devait consacrer le règne des technologies de l'information ultra sophistiquées, voilà qu'il sonne le grand retour de l'agriculture. L'iPad versus les tourteaux de soja ! Longtemps délaissées, comme symbole passéiste dans une économie post-industrielle, les terres arables et les denrées qu'elles produisent sont en passe d'incarner une nouvelle modernité.Une revanche pour Jules Méline. Président du Conseil sous la Troisième République, l'avocat considérait en effet l'économie française comme un arbre dans lequel l'industrie représente les branches et les feuilles, et où l'agriculture représente le tronc et les racines. Dans un récent rapport, les experts de l'OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques) et de la FAO (Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture) prévoient que « les prix moyens des productions végétales devraient progresser de 10% à 20% en termes réels (corrigés de l'inflation) par rapport à la moyenne observée durant la période 1997-2006 ». Les huiles végétales en tête du palmarès Le prix de certaines denrées va littéralement flamber. En tête du palmarès, les huiles végétales (au moins 30%), et les céréales secondaires (orge, sorgho ...). Tout concourt à une hausse durable et soutenue du prix de ces denrées, prévient le rapport qui s'inquiète pour l'alimentation des pays pauvres. La hausse démographique portera à 9 milliards le nombre de bouches à nourrir au tournant du siècle, les classes moyennes montantes des pays émergents veulent de plus en plus de viande dans leurs assiettes... Une véritable ruée vers « l'or vert » prend forme. Les terres arables deviennent un enjeu alimentaire et financier.Les nouveaux enjeux de l'agricultureC'est début 2008 que le monde ouvre les yeux sur les nouveaux enjeux de l'agriculture. La flambée des prix des denrées alimentaires jette dans les rues des millions de personnes affamées dans les pays du Sud. Certes, « les prix de produits alimentaires sont (depuis) redescendus de leurs niveaux records, mais ils restent élevés dans beaucoup de pays pauvres », souligne le rapport, « Perspectives agricoles, 2010-2019 ». Et « des épisodes d'extrême volatilité des prix (...) ne sont pas à exclure, en particulier du fait que les prix des produits agricoles sont de plus en plus dépendants des coûts du pétrole et de l'énergie », prévient l'OCDE, via les pesticides et les engrais. Sans oublier « l'instabilité des conditions climatiques (qui) risque de grandir », souligne le rapport. Un sujet politique et économiqueCorollaire du renchérissement des prix des denrées, les terres arables sont devenues « un sujet d'intérêt intense à la fois politique, environnemental et économique », selon le cabinet d'étude Hardman&Co. Elles représentent 1,5 milliard d'hectares dans le monde, d'une valeur de 5.000 milliards de dollars. L'urbanisation et la désertification les raréfient. En Asie, le potentiel est presque inexistant. Les réserves se situent en Amérique latine, en Afrique et dans une moindre mesure en Europe de l'Est. Des pays d'Asie (Corée, Japon...) ou du Moyen-Orient ont commencé à racheter d'immenses superficies. Depuis 2007, plus de 13 milliards de dollars ont été engagés par des investisseurs dans les terres agricoles, selon Hardman&Co. Ce n'est qu'un début. « Les 5.000 milliards de dollars de valorisation des terres ne représentent qu'entre 7% et 10% de la valeur mondial des marchés actions », souligne le cabinet. Une corne d'abondance à faire fructifier.
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