David Goldblatt, d'un apartheid l'autre

Un immense photographe. « Juste quelqu'un de bien », aussi, comme pourrait le chanter Enzo Enzo. Considéré comme l'un des plus grands, le Sud-Africain David Goldblatt a influencé, par son travail et sa générosité, une génération de photographes documentaires noirs et blancs de son pays. Lauréat du prix HCB 2009 « mécéné » par le groupe Wendel, il vient aujourd'hui - pour la première fois à Paris - présenter à la Fondation Henri Cartier-Bresson ses dernières images aux côtés d'une soixantaine d'autres réalisées depuis 1948. L'occasion d'une impeccable exposition centrée sur Johannesburg, qui donne à voir la richesse d'une oeuvre en perpétuelle évolution. Une oeuvre qui raconte surtout avec force l'Afrique du Sud.« La photographie m'a aidé à résoudre ce dilemme : vivre dans ce pays ou émigrer », explique David Goldblatt en introduction de son exposition. L'homme est né à Randfontein en 1930, au sein d'une famille juive de la classe moyenne dont les aïeux avaient fui les pogroms perpétrés en Lituanie à la fin du XIXe siècle. Lorsque l'apartheid devient politique d'État, il a 18 ans, et une passion naissante pour le médium. C'est surtout le quotidien de ses contemporains, Noirs et Blancs, qu'il documente inlassablement. Il n'y a rien de spectaculaire dans ses tirages. Mais l'implacable vie de tous les jours. Ainsi ces intérieurs modestes mais proprets. À lire la légende, on découvre qu'ils vont être bientôt détruits pour laisser place à des maisons destinées aux Blancs. Il y a aussi ces mineurs noirs harassés de fatigue, rentrant chez eux au Malawi.Le photographe multiplie les angles, les formats, le style. Il ose des cadrages virtuoses à ses débuts, va vers plus de simplicité ensuite, emprunte très vite à Walker Evans. Ses photos restent pourtant reconnaissables entre mille de par leur rigueur, leur sens du détail et ce regard humaniste mais jamais paternaliste, qui rend aux Noirs leur dignité, au moment où l'État sud-africain s'acharne à la bafouer.David Goldblatt est toujours très politique, dans ses photos comme dans sa pratique. Non seulement ses tirages dénoncent la ségrégation, mais l'homme prend aussi le soin de former la jeune génération en créant en 1989 le Market Photography Workshop ouvert à toutes les communautés du pays.Avec la fin de l'apartheid, pas question de raccrocher les gants. Il y a encore tant à dire. La ségrégation sud-africaine n'est plus raciale mais sociale. Et puis grâce aux 30.000 euros du prix HCB, Goldblatt a pu se lancer dans un nouveau projet : photographier d'anciens condamnés sur les lieux même de leur crime. Les légendes sont aussi importantes que les photos pour écrire, là encore, l'histoire de l'Afrique du Sud.Fondation Henri Cartier-Bresson, 2, impasse Lebouis, 75014 Paris. Tél. : 01.56.80.27.00. Jusqu'au 17 avril. www.henricartierbresson.org. À lire : « TJ » 1948-2010, éditions Contrasto, 316 pages, 39 euros.
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