Vers une nouvelle alliance Renault-Nissan-Daimler

Le meccano industriel pourrait-il se transformer en véritable alliance ? Envisagé au départ comme un accord de coopération technique et industrielle, le grand projet entre Renault et Nissan, d'un côté, et l'allemand Daimler, de l'autre, prend de l'ampleur et intègre désormais une composante capitalistique. Ce mariage à trois pourrait être scellé juste après le week-end de Pâques. Renault doit convoquer un conseil d'administration extraordinaire le 6 avril prochain, assure le Figaro. Même si le constructeur français affirmait vendredi qu'aucune réunion de ce genre n'avait été officiellement convoquée à ce jour. D'après nos informations, les discussions ont fortement progressé, mais les protagonistes ne sont pas encore tombés d'accord. Il y a pourtant urgence. L'assemblée générale des actionnaires de Daimler se tient le 14 avril, celle de Renault le 30. Le principe de prises de participation réciproques semble acté, selon plusieurs sources. Carlos Ghosn, PDG de Renault et Nissan, avait indiqué récemment qu'un échange de participations permettait de donner un signal fort en interne et en externe. Les prises de participation entre Renault et Daimler seraient toutefois faibles, voire symboliques. Le Financial Times table sur 3%. Le japonais Nissan, détenu par Renault à 44% pourrait aussi échanger des actions avec l'allemand. Le journal nippon Nikkei évoque des parts de moins de 5%. Daimler est presséCarlos Ghosn, comme Patrick Pelata, patron opérationnel de Renault, ont reconnu à plusieurs reprises des pourparlers avec le groupe de Stuttgart. Et Dieter Zetsche, son président, a aussi évoqué un tel rapprochement. Il avait ainsi affirmé au salon de Genève, début mars : "on ne voit pas d'obstacle fondamental qui empêcherait un accord (avec Renault)". Le fabricant des Mercedes se montre même pressé, davantage a priori que Renault et Nissan. Daimler doit en effet prendre des décisions urgentes sur sa gamme Smart. Il lui faut rentabiliser la prochaine génération de ces micro-véhicules. Alors que, jusqu'ici, il n'a jamais résolu l'équation économique de ces modèles. Il n'est pas parvenu à dépasser les 150.000 unités annuelles dans son usine lorraine de Hambach. Un nombre très insuffisant pour assurer leur profitabilité. Le consortium d'outre-Rhin cherche du coup, désespérément, un partenariat. Il a notamment besoin de moteurs. N'achète-t-il pas des mécaniques à essence importées du Japon au nippon Mitsubishi, dernier avatar d'une ancienne alliance avortée? Bataille pour le C02Or, Renault est un spécialiste reconnu des petits véhicules. Crucial à l'heure où la bataille pour diminuer les consommations et les rejets de C02 est prioritaire. Une grande alliance pourrait aussi s'étendre aux composants des futures Mercedes A et B petites et compactes. Les économies d'échelles sur ces modèles sont, là aussi, traditionnellement insuffisantes. La collaboration devrait également englober les véhicules électriques et leurs batteries, sur lesquels Renault et Nissan ont pris une belle avance. Enfin, Nissan pourrait, à titre de réciprocité, acheter à Daimler des gros moteurs dont l'allemand est un fabricant réputé.De telles coopérations permettent en principe des économies majeures sur les coûts de recherche et développement, tout en allongeant les séries. Elles servent aussi à réduire les coûts d'approvisionnement à travers des achats groupés. Nouée en 1999, l'alliance Renault-Nissan a une longue expérience des synergies et des achats en commun. Alliance complexeCeci dit, si une alliance franco-nippo-allemande est idéale sur le papier, elle apparaît bien complexe à mettre au point dans la réalité. D'abord, les valorisations boursières sont tellement disparates que Renault doit débourser beaucoup plus d'argent que Daimler s'il veut des participations équilibrées. Fâcheux, alors que l'endettement de Renault est lourd (6 milliards d'euros). La firme de Boulogne-Billancourt pourrait toutefois céder ses 20% dans le suédois AB Volvo pour financer une telle dépense. Par ailleurs, une alliance tripartite, si elle aboutit, sera compliquée à gérer au quotiden. La course à la taille n'est pas forcément la panacée. Sinon, GM serait le constructeur le plus rentable du monde au lieu de cumuler les déficits abyssaux! D'ailleurs Daimler n'a-t-il pas échoué dans son mariage du siècle avec Chrysler, qui devait se compléter d'une alliance avec Mitsubishi? Un écheveau tellement ardu que personne n'y a trouvé son compte. Manque de modèles attractifsEnfin, si Louis Schweitzer puis son successeur Carlos Ghosn ont lancé de nombreux chantiers géostratégiques majeurs (véhicules à bas coûts, usines délocalisées dans les pays émergents, reprise du russe Avtovaz...), Renault n'est pas dans une forme olympique. C'est le moins qu'on puisse dire. Certes, il a subi la crise. Mais beaucoup plus durement que ses concurrents. Il a affiché un déficit net de trois milliards d'euros l'an dernier, deux fois supérieur au trou historique de 1984. Certes, cette perte record vient pour moitié des déficits de Nissan, AB Volvo et Avtovaz. Mais, quand même! L'ex-Régie a enregistré... le pire résultat de l'industrie automobile européenne, voire mondiale. Hormis ses Dacia à prix canon, Renault offre une gamme insuffisamment attractive. Telle la malheureuse familiale Laguna qui constitue un semi-échec, à cause notamment de sa relative banalité. Et c'est là que le bât blesse. La réussite d'un groupe comme Volkswagen tient essentiellement à des produits performants, techniquement réussis, innovants, bien dessinés, à la qualité de finition irréprochable. Or, malgré les progrès en fiabilité, l'image de marque de Renault reste médiocre dans le monde. Et ses voitures peu attirantes.Bref, les grands projets pour réduire les coûts et parfaire la mondialisation, c'est très bien. Mais il manque à Renault ... des véhicules séduisants. Tout simplement. Le vrai problème à court terme de Renault est là. Et ce n'est pas une nouvelle "usine à gaz" qui va résoudre cette question-clé.
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