L'équipe de France du nucléaire éliminée à Abu Dhabi

La décision d'Abu Dhabi de confier au consortium coréen la commande de quatre réacteurs pour un montant de 20,4 milliards de dollars tombe particulièrement mal pour Anne Lauvergeon, la patronne d'Areva. Non seulement, le groupe nucléaire perd, à l'issue d'une compétition de deux ans, le plus important contrat de ces dernières années. Mais cet échec tombe au moment où Henri Proglio, nouveau PDG d'EDF, appuyé par l'Élysée, remet ouvertement en cause le positionnement d'Areva. Et entend redonner à l'électricien national sa position de leader de la filière nucléaire française.C'est sous la houlette de Claude Guéant, secrétaire général de l'Élysée, qui se démène depuis des mois pour conforter la position française aux Émirats arabes unis, qu'une quatrième offre tricolore a été remise mi-décembre. Elle redonnait non seulement une place importante à EDF ? selon le souhait d'Abu Dhabi de voir impliquer le plus grand exploitant nucléaire du monde ?, mais elle replaçait également Areva dans son rôle de constructeur et non plus de chef de file. « Pierre Gadonneix, le précédent patron d'EDF, a refusé deux fois de participer à cet appel d'offres », se justifie-t-on chez Areva. En janvier 2008, pour répondre à cette compétition internationale, le constructeur s'était associé avec GDF Suez, novice en matière d'EPR, et avec Total, qui veut faire ses premiers pas dans le nucléaire.FACTEUR PRIXOutre la composition fluctuante du consortium, le prix a été un facteur décisif dans la décision d'Abu Dhabi. « L'offre des Coréens était moitié moins chère », murmurent certains experts. À environ 5 milliards de dollars l'unité, le réacteur vendu par Korea Electric Power (Kepco), qui signe là son premier contrat à l'exportation, est effectivement nettement moins cher qu'un EPR, dont le prix officiel est de quelque 5,5 milliards d'euros, soit 8 milliards de dollars. Pour autant, les deux réacteurs sont très différents. D'une puissance inférieure (1.400 mégawatts) à celle de l'EPR français (1.700 MW), le réacteur coréen (construit sous licence Westinghouse) date des années 1980. L'EPR, comme le modèle AP-1000 de Westinghouse, également repoussé par Abu Dhabi, appartiennent à la génération suivante. « Le réacteur de Kepco ne correspond pas aux normes de sûreté en vigueur actuellement en Europe et aux États-Unis », souligne-t-on chez Areva.Les détracteurs d'Anne Lauvergeon, que l'on trouve en grand nombre ces derniers temps dans l'entourage d'Henri Proglio, s'empressent de stigmatiser ce positionnement commercial fondé sur un seul modèle, cher et de grande taille. Le nouveau patron d'EDF a lui-même déclaré publiquement qu'il faudrait qu'Areva propose un réacteur de taille moyenne, plus adapté aux pays moins urbanisés. Areva rétorque qu'il travaille depuis deux ans au développement d'un réacteur de 1.100 MW avec Mitsubishi.Les « associés » d'Areva dans cet appel d'offres multiplient, en coulisse, les critiques à l'encontre d'Anne Lauvergeon, qu'ils accusent d'avoir manqué d'implication et de souplesse commerciale. « Les Français ont toujours semblé traiter à la légère les demandes des Émiriens », note un observateur. Du côté d'Areva, reconnaissant avoir été un temps désarçonné par la culture des affaires dans cet émirat du Golfe, on renvoie la balle à Total. « Le rôle de Total était précisément de nous apporter sa connaissance de la région et ses relations privilégiées. Ils nous avaient même promis qu'ils étaient en capacité d'éviter un appel d'offres », souligne-t-on.Officiellement, à Abu Dahbi comme à Paris, tout le monde se dit ouvert à « toute discussion » pour la suite du programme nucléaire des Émirats. Mais celle-ci pourrait se faire attendre car Abu Dhabi vient de revoir à la baisse ses prévisions de consommation d'électricité. « S'ils construisent des réacteurs supplémentaires, ce serait absurde de les confier à de nouveaux constructeurs », confie l'un des acteurs nucléaires français.
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