Le dollar, problème ou solution pour le président Obama ?

Point de vue de Jacques Mistral, Directeur des études économiques à l'Institut français des relations internationales - Ifri et auteur de «La Troisième Révolution américaine», Perrin.

Il y a juste un an, en décembre 2007, l'hebdomadaire «The Economist» faisait sa couverture avec le titre «Panic about the dollar». L'heure de vérité paraissait arrivée ; et, de fait, en juillet 2008, le billet vert touchait un point bas, 1 euro achetant alors 1,6 dollar ! Mais voilà, aux États-Unis, l'improbable est monnaie courante et la monnaie américaine a confirmé sa capacité à défier toutes les lois de la pesanteur économique puisqu'elle s'est depuis réappréciée, en trois mois, de plus de 20 %. Dans quel état le président Obama trouvera-t-il la monnaie américaine ? Que deviendra le dollar sous la présidence Obama ?

Les fluctuations du dollar reflètent, depuis la Seconde Guerre mondiale, la versatilité des opinions concernant les vertus du modèle américain. L'enthousiasme général pour «l'attractivité» de l'Amérique à la fin de la décennie 90 en a été le plus récent exemple, il n'a eu qu'un temps. La réalité de long terme, c'est, depuis 1971, une tendance baissière qui s'explique naturellement par l'affaiblissement des paramètres fondamentaux concernant l'insertion internationale de l'économie américaine : le commerce extérieur, les actifs nets détenus à l'étranger, les revenus tirés du reste du monde.

Entre l'été 2007 et l'été 2008 s'est produite une nouvelle phase de recul de la monnaie américaine où l'on voit le résultat de la crise financière et de la méfiance qu'elle a fait naître. La volatilité des changes illustre aussi le fait que, désormais, les flux de capitaux internationaux réagissent plus vite et plus fort à des différentiels de taux d'intérêt ou, comme depuis l'été 2007, à des informations nouvelles sur la santé des systèmes financiers. Le dollar reste la monnaie de réserve par excellence mais l'euro a fait ses preuves et les investisseurs internationaux ont désormais un véritable choix. La crise a révélé un changement de comportement des investisseurs internationaux devenus plus exigeants en matière de rendement et de sécurité de leurs placements : c'est ce qui a poussé le dollar à son point bas de juillet 2008.

Dans ce contexte, l'appréciation du dollar depuis trois mois a surpris par son ampleur et sa rapidité ; elle constitue un effet, paradoxal, de la crise financière. L'appréciation du dollar résulte évidemment d'un retour massif de capitaux. Beaucoup de positions avaient été financées au printemps 2008 par endettement dans les monnaies à taux faible, yen et dollar ; ce qui domine à partir de septembre, c'est la recherche frénétique de la liquidité, consécutive à la réduction de l'effet de levier provoquée par la brutale augmentation de l'aversion au risque qui a suivi la faillite de Lehman. D'où cette abondance soudaine ? mais temporaire ? de la demande de dollars. Tout concourt maintenant à ce que l'on en revienne à la dépréciation tendancielle du dollar, la médiocrité des perspectives de croissance, la perpétuation d'un déficit très important de la balance des paiements, l'accumulation des engagements de l'État fédéral luttant, par paquets de 700 milliards de dollars, sur tous les fronts de la crise financière et économique.

Au-delà des aspects conjoncturels, quelle place peut avoir le dollar dans la politique économique de la nouvelle administration ? L'élection présidentielle 2008 s'est déroulée sur la toile de fond d'une crise économique menaçante et, depuis le 4 novembre, les nuages ne cessent de s'accumuler. Le président élu a été porté à la Maison-Blanche avec un mandat assez clair qui, d'une certaine manière, lui impose d'inventer une nouvelle version du «modèle» américain. Une chose est sûre, ce pays a la volonté et l'énergie nécessaires pour sortir du marasme ; mais où sera le moteur de la croissance future ? L'Amérique peut-elle se «réindustrialiser», comptera-t-elle alors sur un dollar faible comme en 2007-2008, se laissera-t-elle aller à quelques tentations protectionnistes pouvant prendre la forme d'une «dévaluation compétitive» ? Pourquoi pas ; mais l'élément nouveau, c'est aussi que le financement externe pèse désormais comme une épée de Damoclès sur les décisions des autorités américaines et limite leur autonomie de décision. L'avenir du dollar sera demain le reflet d'un nouveau «modèle», en cours d'invention, et dépendra à ce titre du regard des investisseurs internationaux autant que du rôle que lui fera jouer la politique économique ; en matière de taux de change, nous continuerons à explorer des mers inexplorées.

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