Le parlement au plus près de la crise

Par Jean Arthuis, ancien ministre et président de la commission des Finances du Sénat, et Philippe Marini, rapporteur général de la commission des Finances.

L'onde de choc de la crise des "subprimes", apparue au cours de l'été 2007, a désormais dégénéré en tsunami économique global. Aucun pays industrialisé ni grand pays émergent n'est épargné, la mondialisation des échanges ayant diffusé la croissance puis la récession. Mais, à l'heure où les gouvernements sont mobilisés par des plans de relance massifs, qui amplifient les déficits publics à mesure que se réduit l'endettement privé, il est indispensable de ne pas oublier les causes structurelles de cette crise. En parallèle des actions curatives de court terme, il faut nous projeter sur le long terme pour asseoir les fondements d'un profond renouvellement de la régulation financière.

Dans une démarche totalement inédite sous la Ve République, les deux assemblées, à l'initiative de leurs présidents respectifs, se sont conjointement impliquées en créant le 29 octobre 2008 un groupe de travail sur la crise financière internationale. Bicaméral et bipartisan, ce groupe a fait preuve de réactivité en publiant, le 13 novembre dernier, dans la perspective du G20, un rapport d'étape formulant des propositions concrètes de réforme du système financier international dans de nombreux domaines : paradis bancaires et fiscaux, opérateurs financiers, régulateurs et organismes internationaux, normes comptables et prudentielles, produits et titrisation. Nous avons naturellement vocation à poursuivre nos travaux.

D'aucuns ont pu constater et même déplorer, à la faveur de l'activisme de ces derniers mois, le "retour de l'Etat" dans la supervision des activités financières, et plus largement dans l'économie. Cette nécessaire réappropriation de la technique par le politique n'est pas un épouvantail. Elle est un devoir face au désarroi que crée le dévoiement des activités bancaires et financières par les mirages de l'autorégulation, de l'excessive sophistication des produits et du rendement sans risque. L'affaire Madoff est venue parachever cette désillusion.

Après les mesures de sauvetage palliant les défauts de liquidité et de capital, le risque est aujourd'hui que la crise d'un secteur financier affaibli et replié sur lui-même rétroagisse sur l'économie réelle, et que s'amorce un cycle durable et dévastateur de déflation par la dette. Il est donc nécessaire de poursuivre l'assainissement des bilans bancaires, avec la garantie ou l'apport direct de l'Etat, de recentrer les banques sur leur métier originel de financement de l'économie, de rétablir la rationalité financière et de lutter contre les "passagers clandestins" de la finance mondiale.

Chaque pays se trouve aujourd'hui confronté au même défi : assurer que le grippage du système financier ne paralyse les efforts entrepris pour relancer la machine économique. Mais aider le système bancaire, ce n'est pas venir au secours de spéculateurs victimes de leur appât du gain ; c'est créer la condition nécessaire de la reprise économique.

La loi de finances rectificative pour le financement de l'économie est venue, dans l'urgence, donner les moyens à l'Etat de pallier le risque de défaillance du marché en instituant deux structures : la Société de financement de l'économie française (SFEF), chargée d'alimenter l'économie en liquidités, et la Société de prise de participation de l'Etat (SPPE), dont la vocation est d'apporter aux banques françaises des fonds propres pour renforcer leur solvabilité.

L'intervention de l'Etat, financée par emprunt dans la limite de 360 milliards d'euros, est rémunérée. Il ne s'agit en aucune façon d'un cadeau fait aux actionnaires ni aux dirigeants des banques. S'agissant du refinancement à moyen terme, les liquidités apportées par l'Etat donnent lieu au versement d'un intérêt.

C'est très légitimement que l'on s'est interrogé sur les contreparties exigées en échange d'aides aussi massives, l'Etat ne disposant d'aucun droit de vote ni de représentants aux conseils d'administration. Au moment même où le gouvernement est sur le point d'injecter une deuxième tranche de quasi-fonds propres de 10 milliards d'euros, on doit se poser la question : les banques jouent-elles le jeu ? Le premier bilan de l'action du médiateur du crédit fait clairement apparaître des marges de progression.

De ce point de vue, le comité, coprésidé par les présidents des commissions de Finances des deux assemblées et réunissant les principaux acteurs publics concernés, vient opportunément permettre au parlement de suivre au plus près la crise et de juger de la réalité des contreparties apportées par les banques, notamment en matière de gouvernance, de rémunérations des dirigeants et de versement de dividendes aux actionnaires.

Ne nous y trompons pas, le prochain sommet du G20 à Londres sera bien l'"épreuve de vérité" d'une approche pragmatique, proportionnée et coordonnée de la régulation bancaire et financière. Nos concitoyens, en particulier ceux qui sont les plus affectés par la crise, attendent beaucoup des autorités publiques et des dirigeants des banques et aspirent à ce que chacun prenne ses responsabilités. Ne les décevons pas.

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Commentaire 1
à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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LEs PARLEMENTaires sont INERTES, qu'ils déposent un projet de Loi pour sanctionner les banques, MOTIFS / abus de confiance / RECEL DE PRODUITS TOXIQUES / ABUS DE BIENS SOCIAUX etc... les motifs ne manquent pas. De surcroit, il faut refuser d'avaliser...

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