Jeux et paris en ligne : les batailles de demain

Par David Tayar, avocat (Willkie Farr & Gallagher).

Le projet de loi adopté en conseil des ministres le 25 mars 2009 met partiellement fin aux monopoles de la Française des jeux et du PMU dans le domaine des jeux et paris en ligne. Cette ouverture du marché intervient sous la pression de la Commission européenne. L'exécutif européen s'est lui même placé dans le sillage de la Cour de justice des Communautés européennes qui a jugé à plusieurs reprise que, si les Etats sont libres de réglementer le secteur des jeux d'argent, leurs législations doivent néanmoins restreindre au minimum la libre prestation de services.

Se référant à cette jurisprudence, la Commission a adressé en juin 2007 à la France un avis motivé prenant position contre sa législation sur les jeux en ligne, qu'elle considérait trop restrictive.

Deux ans après cet avis motivé, le projet de loi envisage la création d'un marché régulé des jeux et paris en ligne, sur lequel des sociétés privées, qu'elles soient françaises ou étrangères, pourront, sous réserve de l'obtention d'un agrément, venir concurrencer les opérateurs historiques. Cet agrément sera délivré par une nouvelle autorité indépendante, l'Autorité de régulation des jeux en ligne (l'Arjel), qui aura également pour rôle de lutter contre les sites non autorisés en France et de contribuer à la protection des joueurs.

La Commission a, tout récemment (le 8 juin dernier), demandé au gouvernement français de revoir ou de préciser certains points du projet de loi. Elle a notamment exprimé des réserves sur l'obligation pour les opérateurs d'avoir un représentant fiscal en France et a également demandé aux autorités françaises de prendre en compte, dans le cadre de la régulation du marché, les règles étrangères auxquelles pourrait être soumis un opérateur d'ores et déjà établi dans un autre Etat membre de l'Union.

La fixation d'un taux maximum de redistribution des gains aux joueurs suscite également des questions de la part de la Commission. Ce nouveau rebondissement pourrait retarder de quelques mois l'entrée en vigueur du texte (prévue initialement pour début 2010), mais l'apparition d'une concurrence frontale entre opérateurs historiques et nouveaux entrants semble aujourd'hui inéluctable.

Cette situation n'est pas nouvelle. Avant les jeux et paris en ligne, de nombreux marchés ont fait l'objet d'une libéralisation plus ou moins poussée, qu'il s'agisse des télécommunications, de l'énergie ou encore du transport ferroviaire. Par conséquent, nul besoin ici d'être devin pour anticiper que, sur ce marché comme sur ceux qu'on vient de citer, une partie de la bataille entre anciens monopoles et nouveaux entrants se jouera sur le terrain du droit de la concurrence.

Les sources de contentieux sont potentiellement nombreuses. Du fait du champ extrêmement limité de l'ouverture du secteur (limité aux paris sportifs et hippiques et aux jeux de cercle - essentiellement le poker - les jeux de grattage restant par exemple hors du périmètre de la réforme), on peut imaginer que des problématiques de subventions croisées pourraient aisément surgir, si les nouveaux entrants venaient à soupçonner que les opérateurs historiques utilisent indûment les ressources tirées de leur monopole pour pousser leur avantage sur les marchés libéralisés.

Par ailleurs, on peut s'attendre à ce que les nouveaux entrants se montrent particulièrement attentifs aux offres que pourraient proposer les opérateurs historiques et qui combineraient des produits ouverts à la concurrence et produits sous monopole. Gageons enfin que l'accès aux supports de distribution (portails Internet, terminaux mobiles, presse...) sera un des enjeux majeurs de ce futur marché. Le rôle de la nouvelle Autorité de la concurrence, qui agira vraisemblablement en liaison avec l'Arjel, sera une fois encore crucial pour arbitrer ces batailles de demain.

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Commentaire 1
à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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merci pour cet article très fouillé et éclairant

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