Kraft, les yeux plus gros que le ventre

Par Pierre-Angel Gay, directeur adjoint de la rédaction de La Tribune.

La confiance est de retour. Le dynamisme aussi. Les entreprises retrouvent ambition, goût du risque, et multiplient les projets de fusion. Qu'ils soient amicaux, ou non. Hier, c'était au tour du géant américain Kraft Foods, numéro deux mondial de l'agroalimentaire, de prendre la communauté des affaires de court en faisant une offre non sollicitée sur le confiseur britannique Cadbury. Une opération à 12 milliards d'euros, que le propriétaire des marques Carambar, Malabar ou, encore, Hollywood et Stimorol, a repoussée, l'estimant "sous-évaluée" et se voulant "confiant dans sa stratégie d'indépendance".

Le premier argument se discute, mais le second mérite attention. Certes, le projet de Kraft Foods a sa logique. Irene Rosenfeld, sa présidente et directrice générale, que le magazine "Fortune" classe au deuxième rang des femmes les plus puissantes du monde, en caressait déjà l'idée en 2007 lors de la scission de Cadbury d'avec sa filiale de sodas, Schweppes. Recentré "pure player" comme disent les Anglo-Saxons, le britannique gagne des parts de marché outre-Manche et développe ses ventes dans les pays émergents, Inde et Afrique du Sud essentiellement. Le tout en réalisant une marge proche de 12%, même si la récente fusion des groupes Mars et Wrigley lui a fait perdre sa place de numéro un mondial de la confiserie.

Il constitue donc une cible idéale pour Kraft Foods, dont la division chocolat (Côte d'or, Suchard, Toblerone...) est à la fois très dynamique et trop petite, avec moins de 5% du marché mondial. Le mariage des deux donnerait au nouvel ensemble des perspectives de croissance accélérée, selon Irene Rosenfeld. Le passé récent, pourtant, ne plaide pas en sa faveur. En juillet 2007, lors de l'achat des "p'tits LU" pour 5,3 milliards d'euros, Kraft Foods avait fait aux investisseurs la même promesse. L'acquisition des biscuits français devait le doter d'un nouveau moteur de croissance, aux côtés des chocolat, café, fromages sous cellophane et autres plats cuisinés, les "Macaroni and Cheese" et pizzas surgelés dont les Américains raffolent. On n'en a rien vu.

Kraft est retombé dans l'ornière de la croissance molle, révisant à la baisse ses prévisions de chiffre d'affaires et de résultats pour 2009. Quant à LU, dont l'indépendance promise est de moins en moins garantie et dont le siège social est passé de la région parisienne à Zurich, il voit ses ventes se tasser, en volumes. On le sait, plus d'une fusion sur deux est destructrice de valeur. Les actionnaires de Cadbury pourraient s'en souvenir.

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