La leçon de Lehman

Par Muriel Motte, rédactrice en chef à La Tribune.

Un an après le séisme provoqué par la faillite de Lehman Brothers, le monde panse toujours ses plaies. La chute du géant de Wall Street, symbole à elle seule de la crise des "subprimes", a bouleversé tous les repères et l'ordre établi. Placés devant leurs responsabilités dans ce désastre financier, les pays riches ont été contraints d'accueillir dans leur cénacle de décideurs les puissances montantes d'Asie et du Sud. Le G7 est mort, vive le G20. Pompiers de l'incendie qu'ils avaient laissé se propager, les Etats et les banques centrales ont consacré des milliers de milliards de dollars au colmatage des fissures de leurs systèmes bancaires et au rétablissement de leurs économies chancelantes.

Le néolibéralisme est passé de mode, place à l'Etat nourricier. Enfin, ridiculisés ces dernières années par la toute puissance des princes de la City et la morgue des nababs de Wall Street, les gendarmes des marchés se sont réveillés. Les régulateurs planchent sur des systèmes de contrôle plus stricts et affûtent leurs sanctions. Le Woodstock de la finance, c'est fini, la discipline fait son grand retour. Un an après la chute de Lehman, on nous promet une traque aux abus, la fin des excès, un monde financier plus sain et plus sûr.

Mais alors que "la pire crise depuis les années 1930" perd de son intensité, que les Bourses retrouvent des couleurs et que de nouveaux mastodontes bancaires s'érigent sur les ruines des subprimes, un doute plane. Tout a été dit, a posteriori, sur la myopie des politiques, les ravages de la dérégulation, les dangers de la mondialisation, sur la cupidité des banquiers et les dérives de l'innovation financière. De brillants discours qui masquent le fait que personne n'avait vu venir ce qui est aujourd'hui présenté comme une évidence. Sans vouloir l'avouer, les mêmes beaux parleurs sont sans doute surpris par les profits semestriels colossaux que viennent d'annoncer une poignée de banques, par l'envolée de 50% des actions en six mois et par l'increvable santé du marché obligataire, pourtant massivement sollicité par des Etats surendettés.

La leçon de Lehman, c'est que l'on n'a pas appris grand-chose sur les virus qui explosent soudain en pandémie. Il y a fort à parier que lorsque éclatera la prochaine crise, demain, dans dix ans ou dans vingt ans, la reine d'Angleterre, même centenaire, sera toujours pertinente lorsqu'elle posera sa fameuse question : "mais pourquoi les économistes n'ont-ils rien vu venir ?" God save (the question of) the Queen.

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Commentaires 2
à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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Je pense que vous rêvez : la régulation de l'économie n'a toujours pas eu lieu, seules de belles paroles ont été prodiguées mais aucune action réelle. Les Politiques n' ont pas osé affronter la finance dérégulée que ce soit Geithner, Sarkozy, Merke...

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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une autre leçon est peut-etre à tirer en faisant une autre analyse tournée, cette fois-ci, sur le futur : le capitalisme financier banquaire est mort au profit du capitalisme financier d'etat (initie par la chine) et la chute de lehman n'est que la ...

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