Romuald Lacoste : "rentabilité incertaine pour les voies maritimes du Nord"

Le Festival international de géographie de Saint-Dié-des-Vosges, consacré pour sa 20e édition aux mers et océans, est devenu le rendez-vous incontournable des géographes. Entretien avec Romuald Lacoste, chercheur en géographie maritime, Institut supérieur d'économie maritime de Nantes Saint-Nazaire.

Les passages maritimes du Nord-Est et du Nord-Ouest représentent un formidable potentiel. Mais il est encore bien trop tôt pour affirmer qu'ils deviendront les autoroutes maritimes de demain. Ces nouvelles routes seront avant tout empruntées par des navires polyvalents, de taille relativement modeste, pour transporter des équipements lourds pour l'exploitation de pétrole et de gaz. Les Russes communiquent beaucoup sur leur passage du Nord-Est car ils misent sur lui pour l'exploitation des ressources naturelles de la Sibérie, qui nécessite terminaux et bases de vie. Les Canadiens sont moins équipés en brise-glace et surtout plus discrets car ils s'opposent fermement aux Etats-Unis et à l'Europe qui souhaitent donner un statut international à la voie du Nord-Ouest.

Reste la question centrale, celle de la rentabilité de ces voies maritimes pour les armateurs. La réponse est loin d'être évidente et il n'est pas du tout certain qu'elles deviennent, à moyen terme, une alternative concurrentielle aux autoroutes maritimes actuelles, celle qui relie l'Asie à l'Europe, via Malacca et Suez, ou la route qui relie l'Asie aux Etats-Unis via Los Angeles et demain New York grâce à l'élargissement du canal de Panama. Le gain en milles nautiques, de l'ordre de 20%, risque d'être annulé par le temps de navigation. Alors que la course au gigantisme est relancée pour les porte-conteneurs et les vraquiers, le passage du Nord est en effet plus difficile à négocier en raison du littoral et des glaces dérivantes et impose des vitesses de croisière bien inférieures à celles permises par la route du Sud.

Par ailleurs, le modèle économique actuel du transport maritime n'est guère compatible avec la route du Nord, où il n'existe pas de marchés intermédiaires à desservir. La massification du transport maritime impose de plus en plus des "hubs" permettant de faire transiter plus facilement les marchandises. Toutefois, il est difficile de prévoir à plus long terme quel sera le modèle de la production dans le monde et le coût du carburant, dont un niveau élevé renforce de facto l'intérêt du passage Nord. En attendant, ce sont bien les grandes routes traditionnelles qui assureront l'essentiel du trafic maritime, même si on assiste au développement des échanges entre pays émergents, avec de nouveaux axes dans le Grand-Sud, via le cap de Bonne-Espérance.

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