Les "subprimes" des champs

Par François Lenglet, rédacteur en chef à La Tribune.

Dis-moi comment tu manges, je te dirai qui tu es. Voilà quinze ans que l'Europe mangeait libéral, ayant maintes fois amodié - et dénaturé - la politique agricole commune. Davantage de marché, moins de règles et de subventions, telle était l'humeur des temps, encouragée par les gnomes de Genève - ceux du Gatt et, plus tard, de son rejeton, l'OMC. On a supprimé les quotas, "découplé" de la production les aides et transformé les agriculteurs en "jardiniers de la nature" paupérisés.

L'Europe a été d'autant plus encline à désarmer ses protections qu'au milieu des années 2000 les cours mondiaux des denrées étaient soufflés par une spéculation universelle. Comme pour la Bourse ou l'immobilier, les augures de la pomme de terre délivraient alors leurs oracles. La hausse des prix est structurelle, expliquaient-ils, en sollicitant démographie et mouvement des astres pour étayer leur discours. On connaît la suite. La crise est arrivée, provoquant une sorte de "subprime" champêtre à cause de l'effondrement des cours, qui a laissé les producteurs désemparés. La détresse des producteurs de lait en témoigne.

L'Europe se prépare donc à reconstruire ce qu'elle a éradiqué (après l'avoir édifié au sortir de la guerre), dans un mouvement pendulaire qui pourrait sembler ridicule s'il n'était celui de toute notre société, basculant d'un excès à l'autre. C'est la France qui joue ici un rôle moteur : à force d'être en retard pendant l'ère libérale, la voici en avance pour les temps de la régulation qui s'ouvrent. Nul doute qu'elle ne parvienne à emmener nos partenaires européens, eux-mêmes sensibles au vent nouveau.

Faut-il craindre le très libéral président de la Commission européenne ? José Manuel Barroso est le gendre idéal, celui qui complimente sa belle-mère sur sa tarte aux pommes même lorsqu'elle est trop cuite. C'est d'ailleurs pour cela qu'il a été renouvelé par les Vingt-Sept : il fera ce qu'on lui demande de faire.

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 1
à écrit le 21/10/2009 à 8:19
Signaler
La politique agricole est toujours victime des quotas qui n'ont pas disparu ! C'est la bulle des quotas qui commence à se dégonfler qui fait des victimes et non la libéralisation (on a entretenu de la surproduction avec des prix artificiellement haut...

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.