Convergences fiscales ?

Par Michel Aujean, associé du cabinet d'avocats Taj, membre de Deloitte Touche Tohmatsu, ancien directeur des politiques fiscales à la Commission européenne.

La fiscalité est au c?ur des grands débats de société et de politique économique. Qu'il s'agisse de croissance, d'emploi, de pouvoir d'achat, de justice sociale, d'environnement, de protection sociale, de budget, ou encore du pacte de stabilité et du modèle social européen, elle en demeure un ressort essentiel et l'un des moyens d'action privilégiés de la puissance publique.

Or, à brève échéance, au-delà des contraintes déjà connues, les finances publiques d'un grand nombre de pays feront inévitablement face à des situations extrêmement délicates qui imposeront des choix lourds et immédiats.

Plusieurs scénarios sont souvent avancés : une réduction drastique des dépenses publiques, une augmentation radicale des prélèvements obligatoires dans le cadre de la législation actuelle, l'effacement douloureux de la dette publique par une forte inflation ou une combinaison des trois.

En tout état de cause, sortir de la crise économique actuelle exigera de disposer de systèmes fiscaux modernes et efficaces, susceptibles de mobiliser des ressources suffisamment abondantes et stables pour assurer que des économies modernes, confrontées à de multiples défis, disposent effectivement des moyens d'action nécessaires. Le système fiscal français ne répond pas aujourd'hui à ces critères, le Conseil des prélèvements obligatoires et la Cour des comptes viennent encore de nous le rappeler. Le moment est certainement venu de remettre à plat nos systèmes de prélèvements obligatoires. Cette crise en est l'occasion et la sortie de crise en sera d'autant plus aisée, vertueuse et gagnante.

Le constat n'est pas propre à la seule France mais il prend une acuité particulière dans notre pays du fait de la détérioration continue des finances publiques du pays depuis de nombreuses années.

Il y a encore peu la pensée dominante nous invitait à considérer qu'une hausse générale des impôts n'était pas inéluctable et qu'en associant une bonne dose de réduction des dépenses publiques à une pincée de relèvement de la CSG on pourrait faire face aux besoins nés de la crise et de la détérioration continue des finances publiques. Las ! Le message de ces derniers jours semble, à la lecture de la presse, assez sensiblement différent.

Ambiance de loi de finances ou appréciation plus réaliste des faits budgétaires, il n'en reste pas moins que la question de la remise à plat est posée.

Certes le consensus n'a jamais été chose facile à trouver et comment savoir ce que le pays attend ? Le système fiscal idéal est, il est vrai, difficile à concevoir, ne serait-ce que parce que l'impôt est rarement le bienvenu du point de vue des contribuables. Essayons néanmoins d'avancer quelques principes : il faut un système fiscal plus juste ; plus efficace ; plus sûr ; plus simple. Cela semble recouper à peu près les préoccupations généralement évoquées tant par les particuliers, notamment pour l'IRPP, que par les opérateurs, notamment pour l'IS et l'ancienne TP. Ainsi, une enquête de Taj auprès de 450 dirigeants et fiscalistes d'entreprise en Novembre 2008 montrait une nette préférence pour un impôt sur les sociétés plus simple, à assiette large et à taux faible et offrant plus de sécurité juridique.

Ce sont précisément les objectifs que visait le rapport présenté en 2005 par Christian Saint-Etienne et Jacques Le Cacheux : "pour une croissance équitable face à la concurrence fiscale". Le redéploiement des prélèvements qu'ils suggéraient était fondé sur un sérieux élargissement des assiettes, sur un abaissement des taux moyens et marginaux, le remplacement de l'ISF par un impôt sur les revenus de la fortune et la suppression de niches fiscales.

Le récent rapport du Conseil des prélèvements obligatoires ne nous dit pas quelque chose de très différent et surtout il nous rappelle que c'est la direction dans laquelle la grande majorité de nos voisins européens ont inscrit leurs réformes de ces dernières années. C'est dire que, loin d'agiter le spectre de l'exacerbation de la concurrence fiscale, cette approche est au contraire la mieux à même de nous permettre d'être prêt, le moment venu, à intégrer une Europe fiscale relancée sinon même à en être le fer de lance. L'Europe fiscale devient urgente !

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Commentaires 2
à écrit le 27/10/2009 à 21:22
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Mais pourquoi ce qui est réalisé dans d'autres pays ne peut-il l'être dans "le pays le plus intelligent du monde"? Tout le monde semble d'accord sur la nécessité d'une meilleure gestion. Si nos "élites" sont incapables de s'entendre sur le remède alo...

à écrit le 27/10/2009 à 17:06
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Il ne faut pas oublier qu'une réforme de la fiscalité est toujours une question délicate. Or cette réforme est moins difficile à réaliser en période d'excédent budgétaire qu'en période de crise. Deuxième élément, et M. Aujean à raison, l'Europe fisca...

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