La taxe carbone aux frontières, une fausse bonne idée

La Commission européenne ne cache plus ses réticences sur une taxe carbone aux frontières. De fait, sa mise en œuvre apparaît extrêmement complexe et son efficacité mise en doute. Toutes ces incertitudes sont autant d'invitations à la recherche de rentes par des groupes d'intérêt domestiques ou de détournement à des fins protectionnistes.

La Commission européenne a remis les pendules de la fiscalité écologique à l'heure : il n'y aura pas de proposition de taxe carbone aux frontières européennes en juin, contrairement aux annonces du gouvernement français. Certes, chacun se préoccupe des effets de la fiscalité écologique sur la compétitivité de nos entreprises. Un débat aura lieu. Mais Bruxelles ne cache plus ses réticences envers une taxe d'ajustement aux frontières qui a tout d'une fausse bonne idée.

D'abord, on peut s'interroger sur la pertinence et les effets d'une nouvelle taxe sur les importations, alors que les négociations commerciales des soixante dernières années ont porté sur la réduction des obstacles tarifaires aux échanges et que, in fine, ce seront les consommateurs et les importateurs de produits intermédiaires qui subiront son coût.

Ensuite, on peut craindre les dimensions géopolitiques et de développement d'une telle taxe : comment encourager d'un côté le renforcement des capacités commerciales et les exportations des pays en développement, tout en créant de l'autre côté de nouvelles formes de discrimination qui pourraient affecter ces mêmes pays ? Les risques de déclencher une guerre commerciale sont réels : l'Inde a déjà annoncé qu'elle porterait plainte à l'Organisation mondiale du commerce si ses exportations étaient visées.

Quand bien même les pays européens s'entendaient sur le principe d'une taxe carbone aux frontières, pourraient-ils la mettre en oeuvre de façon efficace ? De récents travaux de la Banque mondiale, dont ceux de Michael Jensen, montrent que les procédures administratives de mise en oeuvre des taxes d'ajustement constituent non seulement un facteur déterminant du résultat, mais peuvent s'avérer excessivement coûteuses et complexes. Le principal défi est celui du calcul du contenu carbone des importations : la plupart sont des produits transformés extrêmement complexes.

Faut-il remonter la chaîne de production jusqu'à son origine ? La traçabilité des produits est loin d'être parfaite : par exemple, les méthodes d'obtention de l'alumine à partir de la bauxite, le choix des alliages avec d'autres métaux, les techniques de fonte, laminage et autres transformations contribuent toutes à changer l'empreinte carbone de l'aluminium. L'exportateur d'automobiles aura-t-il accès à cette information ? Devra-t-il payer une taxe élevée en raison de la haute densité énergétique de l'aluminium, même si sa propre activité de transformation a été minimale et non polluante ? Comment seront prises en compte les taxes déjà payées tout au long de la chaîne de production ? Les pays les plus pauvres qui n'auront pas les moyens de fournir la documentation nécessaire ne risquent-ils pas d'être taxés injustement ?

L'efficacité de la taxe d'ajustement est également mise en doute. Selon une récente étude des Peterson et World Resources Institute, pour de nombreux produits à forte intensité énergétique tels que l'aluminium, l'acier, le papier, le ciment et les produits chimiques de base, les exportations de la Chine, souvent montrée du doigt par les partisans de la taxe d'ajustement, sont de l'ordre de quelques points de pourcentage de sa production totale ; une simple réorganisation de la production, où seules les quantités produites avec de l'énergie hydraulique ou nucléaire seraient exportées vers l'UE, permettrait à la Chine d'être exemptée de la taxe d'ajustement, sans effet sur les émissions globales. Contrairement aux idées reçues, certains pays émergents sont également à la pointe des technologies propres et de la réduction des émissions de CO2.

D'autres problèmes méthodologiques, dont l'identification des secteurs dits "sensibles" soumis à la taxe, sont également montrés du doigt. Comme le prédit Jensen, ces incertitudes méthodologiques sont autant d'invitations à la recherche de rentes par les groupes d'intérêt domestiques et de détournement de la taxe à des fins protectionnistes. Beaucoup dénoncent l'écoscepticisme, mais un éco-enthousiasme trompé par des solutions aussi illusoires qu'inefficaces ou détourné par des groupes d'intérêt au détriment des échanges et du développement semble tout aussi dangereux. Segmenter les marchés et diviser le monde ne sont certainement pas la solution à un problème global.

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Commentaire 1
à écrit le 02/06/2010 à 11:11
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En plus, il faudrait dejà être sûr de l'impacte réel du carbonne sur le climat. Je vous invite à lire l'imposture climatique de Claude Allègre. Une remise à plat de toutes les décisions politiques sur le sujet me parait urgente. Plutôt que de clouer ...

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