La gouvernance économique de l'Europe dans la douleur

Eu égard aux turbulences qui ont secoué les marchés internationaux, on ne peut que se réjouir du plan adopté par l'Union européenne. Pour la première fois, un dispositif de stabilisation financière semble être à la hauteur des circonstances. Si, au niveau économique, les mesures de dimanche dernier apportent une solution assez convaincante aux soucis des États, c'est au niveau politico-institutionnel que le processus engagé est le plus prometteur.

Regardons d'abord le contenu du plan lui-même. Au moment où la survie de la zone euro, et donc l'intégration européenne, était remise en cause, nos dirigeants ont paré au plus urgent. L'ampleur du mécanisme de stabilisation de 750 milliards d'euros complété par la décision de la BCE d'acheter de la dette publique sur les marchés éloignent singulièrement le ­risque de défaut d'un État de la zone euro. Enfin, l'association de la BCE et du FMI au plan de stabilisation en renforcent la crédibilité.

Le problème de la dette souveraine réglé, au moment où l'économie américaine retrouve des couleurs, l'Europe doit maintenant démontrer sa capacité à s'attaquer à son principal défi à moyen terme : le financement des entreprises. Or, les statistiques de la BCE continuent à être mauvaises. L'année 2009 a été marquée dans la zone euro par une chute des prêts bancaires aux entreprises. Cette tendance s'est amplifiée en fin d'année : -2,3% en rythme annuel en décembre. La faiblesse persistante de la demande de crédit et les phénomènes de substitution au profit des émissions obligataires expliquent cette évolution. Les PME sont très affectées, avec des crédits de trésorerie en recul en moyenne de 12%. Un sondage de septembre 2009, toujours de la BCE, indique que 43% des PME européennes constatent une détérioration de l'accès au crédit. Dégradation qui s'est poursuivie au premier trimestre 2010, malgré les nouveaux efforts des pouvoirs publics.

Dans ce contexte morose, une nouvelle menace pèse sur nos économies. L'éventuelle mise en oeuvre des mesures annoncées en matière de fonds propres et de liquidité des banques - Bâle III - et les autres initiatives envisagées en matière de taxation bancaire auraient des effets pervers majeurs sur leur capacité à prêter. Une récente étude de la banque portugaise Espirito Santo démontre que la mise en oeuvre de Bâle III exigerait un renforcement des fonds propres des banques de la zone euro atteignant 1.500 milliards de dollars sur trois ans, ce qui conduirait à une réduction drastique de leurs prêts. Considérant le poids des crédits bancaires dans le financement des ­entreprises dans la zone euro - 2,5 fois plus élevé qu'aux États-Unis -, cela produirait une contraction de la croissance de notre PIB de 0,5 point cumulatif chaque année. Un scénario récessif que l'Europe ne peut se permettre de subir.

À ces difficultés conjoncturelles s'ajoute le défi de la compétitivité de nos entreprises dans un contexte international de concurrence de plus en plus exacerbée. Pour le relever, il faut renforcer en Europe, au plus haut niveau, un dialogue institutions-entreprises plus moderne et coopératif, tel que celui que le Conseil de coopération économique, que je préside, construit depuis six ans avec le président Barroso. Deux initiatives urgentes semblent s'imposer à cet égard?: un approfondissement de la dimension extérieure de notre stratégie de compétitivité Europe 2020 - indispensable avec la place acquise par les pays émergents - et un effort plus notable en matière de productivité globale des facteurs? (recherche, innovation et formation). De ce point de vue, l'idée du président Van Rompuy de tenir à l'automne 2010 un Conseil européen extraordinaire consacré à ces problématiques apparaît primordiale.

Cela nous ramène à la portée institutionnelle de l'accord dévoilé ce week-end. Après s'être trop longtemps enlisée dans une atonie institutionnelle stérile, notre Union semble s'être finalement engagée sur le chemin d'une gouvernance efficace. Au pied du mur, le tandem Van Rompuy-Barroso commence à faire ses preuves et à impulser un début de leadership européen. Longtemps cantonné à une fonction de chambre d'enregistrement, le Conseil européen - surtout ­grâce aux réunions extraordinaires - est en train de devenir un pôle de gouvernance capable d'adopter des mesures opérationnelles pertinentes. Ce que nous n'avons pas su faire en période de croissance, la crise est en train de nous l'imposer. Si cette tendance se confirme, les turbulences actuelles auront eu du moins le mérite d'avoir enfin permis l'accouchement d'une gouvernance européenne.

C'est en effet le difficile regain de leadership dont a commencé à ­faire preuve notre Union, plus qu'un plan de 750 milliards d'euros, que les marchés financiers ont voulu saluer avec leur rebond de lundi. C'est ce regain de leadership qu'il faut à tout prix consolider dans les mois à venir si nous voulons que notre Union retrouve son rang.

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Commentaire 1
à écrit le 18/05/2010 à 9:52
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Quand vous dites " tout ce que nous n'avons pas su faire en période de croissance " on le sait vous avez surtout su faire des voyages entre amis à travers le monde et pendant ce temps, avec nos impôts ... combien gagnez-vous pour vous amusez, avec B...

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