Surendettement  : que devient le fichier positif   ?

Par Eric Delannoy, Vice président de Weave.

Madame Lagarde s'était engagée à créer un comité de préfiguration pour la mise en place d'un fichier positif. Alors que le décret d'application de la loi du même nom est paru le 2 juillet, il ne comportait rien sur ce comité.

Aujourd'hui, banques et organismes de crédit prêtent en jugeant "sur pièces", sans pouvoir vérifier si le futur débiteur n'est pas déjà engagé sur d'autres crédits par ailleurs. Cette déclaration sur l'honneur reste la règle dans le projet de loi actuellement en débat au Parlement. Erreur ? Assurément.

La loi Lagarde, dans sa version actuelle, ne va en effet pas assez loin dans la prévention du surendettement, car elle précise l'obligation des banques et des organismes de crédit de vérifier la santé budgétaire de leurs clients sans toutefois leur en donner les moyens. L'ensemble des procédures prévues s'appuie sur les déclarations de l'emprunteur, l'unique vérification possible se faisant par consultation du fichier des incidents de paiement déjà en place. Ainsi, cette loi, d'abord conçue pour encadrer et responsabiliser les pratiques des établissements spécialisés, en a-t-elle oublié qu'un contrat de crédit est signé entre deux parties. Or l'instauration du crédit dit "responsable" nécessite également une plus grande responsabilisation des emprunteurs, quitte à ne plus tout fonder sur la simple "déclaration sur l'honneur".

De fait, les nouvelles règles ne permettent pas de lutter contre le surendettement actif qui représente près d'un dossier de surendettement sur cinq. Cette technique bien connue sous le nom de "cavalerie" permet une respiration budgétaire, mais asphyxie le débiteur à terme, noyé sous les emprunts. Pourtant, dans ce cas précis, l'emprunteur, manifestement surendetté, n'apparaît pas dans le fichier des incidents de paiement puisqu'il honore ses mensualités... à crédit. Une hérésie.

Même si cette situation ne peut trouver de réponse unique, la possibilité de consulter un fichier regroupant l'ensemble des crédits octroyés ou en cours d'octroi apparaît néanmoins comme une solution de bon sens. Ses détracteurs, rarement désintéressés, font valoir pêle-mêle une nouvelle atteinte à la vie privée, la création d'un nouvel outil difficile à maintenir et à l'efficacité douteuse ou la porte ouverte à l'utilisation des données du fichier à des fins commerciales. Pourtant, les retours d'expériences des huit pays européens qui l'ont adopté permettent d'identifier les bonnes pratiques à même de construire une voie "à la française" satisfaisante sur le plan à la fois économique, éthique et technique.

En particulier, la Belgique fournit depuis 2003 une gouvernance du fichier positif dont la France devrait s'inspirer. Géré par la Banque nationale belge, ses modalités de fonctionnement et d'utilisation sont définies et contrôlées par un comité d'accompagnement auquel participent les associations de consommateurs, l'équivalent belge de la Cnil et des représentants des établissements de crédit. Un pouvoir de sanction existe pour toute utilisation avérée à des fins commerciales. L'alimentation et le financement du fichier sont pris en charge par les prêteurs. Sa mise en place a permis de baisser de 20% le pourcentage de contrats défaillants entre 2003 et 2008. Indéniablement, en révélant les personnes en cours de fragilisation, le fichier positif permet d'éviter le crédit de trop, et participe à la limitation des encours de crédit des dossiers en surendettement, en moyenne deux fois moins importants dans les pays qui l'utilisent par rapport à la France. Nous avons ainsi la possibilité de mettre de la cohérence dans le cadre légal pour promouvoir le crédit responsable, si notre pays parvient à sortir des approches doctrinaires et à dépasser les intérêts des établissements financiers dominants qui voient dans le fichier positif la fin de l'avantage concurrentiel que leur procure la taille de leur propre base de données.

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