Chine  : la plaisanterie a assez duré

Par Marc Fiorentino, stratège d'allofinance.com.

Ne dit-on pas que les plaisanteries les plus courtes sont les meilleures ? Visiblement, cet adage n'a pas cours en Chine. Le scénario de cette vaste comédie se répète tous les six mois. Sous la pression internationale, la Chine accepte le principe d'une réévaluation du yuan après avoir résisté pendant quelques mois. Dès le principe accepté, la Chine laisse le yuan s'apprécier d'un pourcentage qu'il faut regarder à la loupe tant il est petit, puis bloque totalement sa monnaie. En attendant la prochaine vaste protestation.

Résultat : en matière de commerce extérieur, les Etats-Unis prennent l'eau, l'Europe tangue et le Japon se fait hara-kiri... Certes, le marché a salué cette semaine la "performance" américaine. Le déficit commercial pour le mois de juillet a baissé de 14%, la plus forte baisse depuis dix-sept mois, mais le déficit reste tout de même à des niveaux intenables pour un pays qui n'a plus les moyens de le financer : 42 milliards de dollars. Pour un seul mois. Et si le déficit s'est réduit, ce n'est pas grâce au yuan, c'est juste que les consommateurs américains ne consomment plus et comme tous les produits qu'ils consomment ou presque sont "made in China", les importations baissent.

De l'autre côté, le surplus chinois a été, pour le troisième mois consécutif, supérieur à 20 milliards de dollars en août. Avec une hausse des exportations de 35% en un an. Toujours avec la même arme : la manipulation du yuan. De juillet 2008 à juin 2010, le yuan était maintenu à un taux fixe de 6,83 par dollar. En juin 2010, la Chine a "lâché du lest" et "laissé le yuan s'apprécier" et combien vaut le yuan aujourd'hui ? 6,77 !!! Soit moins que le cours fixe avant la "pseudo-appréciation".

Ce qui me fascine, ce n'est pas tant le cynisme et l'incroyable culot de la Chine, c'est la passivité totale de tous les pays. Barack Obama avait promis d'arracher des concessions en matière de changes et Tim Geithner se targuait d'avoir fait plier les Chinois en juin. Mais aujourd'hui, Barack Obama fait aussi peur aux Chinois que Jimmy Carter aux Iraniens au début des années 1980.

Alors me direz-vous, il y a l'argument classique : les Etats-Unis ne peuvent rien dire car ils ont besoin des Chinois pour financer leur dette. Cet argument n'est plus vrai. La Chine n'achète plus d'obligations du Trésor américain, elle en vend même, et ce sont les Américains eux-mêmes qui placent leur épargne sur leurs propres emprunts. Les Etats-Unis ont donc gagné, paradoxalement grâce à la crise, une indépendance qui leur permettrait d'entamer un vrai bras de fer avec la Chine sur le yuan.

Du côté de l'Europe, c'est, comme toujours, le silence radio. On rêve encore de leur vendre des Airbus et des TGV alors qu'ils produisent déjà les leurs, moins chers, grâce à la technologie que nous leur avons cédée.

 

Le seul espoir aujourd'hui, c'est le Japon. Le Japon n'en peut plus. La Chine l'asphyxie. De deux façons : en continuant à maintenir le yuan à la baisse et en plus, c'est le comble, en achetant des obligations du Trésor japonais, ce qui a pour conséquence de faire monter le yen. Le coup du ciseau chinois ! Les Japonais protestent. Ils protestent d'autant plus qu'ils ont pratiqué ce jeu pendant près de vingt ans, de 1970 à 1990. Avec succès. Qu'ils ont subi eux aussi une pression internationale forte à l'époque. Et contrairement à la Chine, ils ont cédé, et ont laissé leur monnaie flotter librement. Depuis, leur croissance est en berne. Ils ne comprennent pas pourquoi les Etats-Unis et l'Europe ont été si intransigeants avec eux alors qu'ils se couchent aujourd'hui devant la Chine.

Il faudrait vraiment que quelqu'un explique à nos dirigeants que nous avons, grâce à la crise, aujourd'hui les moyens de nous fâcher avec la Chine ou en tout cas de la menacer. De l'obliger à accepter quelques règles minimales de conduite en matière de commerce international et de marchés financiers. La Chine triche, mais elle a raison de le faire tant que les Etats-Unis et l'Europe ferment les yeux, par lâcheté.

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