La méchanceté ferait-elle la loi en politique ?

Chaque semaine, Hélène Fontanaud propose son regard sur la politique française. Un point de vue décalé pour prendre la mesure des stratégies, des idées et des jeux de pouvoir avant l'élection présidentielle. Aujourd'hui : la méchanceté en politique.

Par Hélène Fontanaud,

journaliste au service France

« Le temps n'attend pas, la bonté est impuissante, la fortune inconstante et la méchanceté insatiable », relevait déjà Machiavel, que la légende de l'histoire a inscrit au panthéon des princes de la cruauté. Ce que, d'ailleurs, il n'était pas.

Aujourd'hui, alors que la France entre doucement en précampagne présidentielle, le climat s'électrise. Nicolas Sarkozy, qui joue du commutateur, est en partie responsable de cette mise sous tension permanente de la classe politique. Le combat à l'arme lourde de ces derniers jours entre premiers ministrables en est un excellent exemple.

En jouant des rivalités entre les candidats à Matignon, en leur demandant des preuves de leur motivation, le chef de l'État a introduit un « management par la terreur » dans le fonctionnement des institutions et il a au passage réveillé la guerre des droites, entre UMP purs et durs ralliés à François Fillon et centristes davantage séduits par Jean-Louis Borloo. Avec son cortège de petites phrases assassines.

Le débat politique n'a jamais été apaisé en France - on se souvient davantage du conflit Giscard-Chirac ou de toutes les guerres des Roses que du verre de lait de Pierre Mendès-France ou de la « nouvelle société » de Jacques Chaban-Delmas. Mais ces dernières années, avec le développement des nouveaux médias qui facilitent les attaques en piqué contre tout adversaire, les acteurs de la vie politique sont facilement happés par la surenchère. Or, l'agressivité est un frein à la raison et le débat politique perd en énergie ce qu'il gagne en électricité.

« La politique aime les méchants et les traîtres », reconnaît, un brin désabusé, un responsable de l'actuelle majorité. Et les Français ? Il y a peu, une émission d'Arte accueillait François Hollande, en pleine offensive présidentielle. Avec ce banc-titre : « Gentil, c'est fini ? » Le député socialiste de Corrèze était ainsi interpellé : « Vous serez capable de mordre pour vous imposer ? » On connaît la chanson ; l'ancien patron du PS, coupable aux yeux des éditorialistes du péché répété de synthèse pendant ses onze ans rue de Solférino, est trop affable, trop modéré, trop drôle, trop gentil donc pour être un candidat totalement crédible à l'élection suprême. La compétition exigerait, nous explique-t-on, du sang, de la violence.

Il serait certes naïf de croire à la gentillesse en politique, surtout à ce niveau de responsabilité, mais de là à faire de la méchanceté une vertu cardinale...

Pour sa défense, François Hollande a exhumé une phrase éclairante de François Mitterrand. « Pour être aimé, il faut être aimable », avait dit le premier - et pour l'instant le seul - président socialiste de la Ve République. Dans ce domaine, François Mitterrand était revenu de loin. Haï par la droite et méprisé par une bonne partie de la gauche, le candidat vainqueur de 1981 avait été jusqu'à se faire limer les dents pour rassurer l'opinion sur sa nature profonde. Il y a trente ans, la capacité de morsure était plutôt un handicap.

Aujourd'hui, dans le livre qu'ils consacrent aux rapports entre presse et pouvoir, Alain et Patrice Duhamel évoquent un Nicolas Sarkozy « guerrier », souvent sujet à des emportements tonitruants face à ses interlocuteurs. Il faut reconnaître qu'à la différence de François Mitterrand l'actuel chef de l'État affirme souvent qu'il n'est « pas là pour être aimé ». Au vu de la séquence qui s'achève, avec l'adoption de la réforme des retraites, et des derniers sondages, c'est plutôt réussi. L'opposition et les syndicats ont d'ailleurs unanimement brossé le portrait d'un président qui « brutalise » le corps social.

Nicolas Sarkozy sait toutefois se montrer tempéré quand les circonstances l'exigent. On se souvient de son apparence soigneusement maîtrisée pendant le débat du second tour de la présidentielle de 2007 face à une Ségolène Royal en proie à une « colère saine » mais finalement dévastatrice pour la candidate socialiste. Le candidat ou la candidate de gauche qui affrontera le président sortant en 2012 devra-t-il montrer les dents ? Oui sans aucun doute pour Jean-Luc Mélenchon, qui a repris le costume du tribun éruptif autrefois porté par Georges Marchais. Les responsables du PS s'attachent, quant à eux, à « dépasser » un antisarkozysme virulent. Martine Aubry propose même un peu de douceur dans un monde de brutes avec le « care », une « société du bien-être et du respect ».

Et on peut toujours se rassurer en se comparant. La France n'en est pas encore au niveau de violence des campagnes américaines où on a recours sans honte au « mudslinging », le lancer de boue, pour discréditer un adversaire.

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