Retraite : vivement l'autre réforme

La réforme des retraites, qui vient d'être votée, était nécessaire, pour montrer la détermination de la France à réduire ses déficits. Mais il faut aller au-delà, en mettant en oeuvre une refonte du système : l'instauration d'un régime universel par points permettrait de concilier équilibre des caisses de retraite et équité.
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L'objectif est atteint, la réforme est votée et promulguée. Mais loin du tumulte de la bataille, un nouveau rendez-vous a été discrètement fixé : un amendement du Sénat prévoit pour 2013 une « réflexion nationale » sur « les conditions de mise en place d'un régime universel par points ou en comptes notionnels ». Et ce rendez-vous s'annonce plus apaisé. Car paradoxalement, derrière l'opposition frontale des syndicats et de la gauche, des avancées ont eu lieu, des propositions intéressantes ont vu le jour.

Parmi elles, l'une revient comme un refrain : la volonté d'instaurer, précisément, un régime par points. Cette réforme était cependant nécessaire. Même si elle n'était pas inscrite au programme présidentiel, un geste fort s'imposait pour montrer la détermination de la France à réduire ses déficits sociaux. La solution retenue pour faire face à cette urgence, à savoir le relèvement de l'âge de la retraite, est en ligne avec les réformes engagées par beaucoup d'autres pays européens. Reste qu'elle n'est pas sans problème.

Tout d'abord, la réforme pose la question de l'équité. Des différences entre travailleurs demeurent selon leur régime. À carrière identique, un salarié du privé bénéficie d'une pension plus faible qu'un fonctionnaire. Les décotes pour années manquantes restent importantes. Elles pénalisent les carrières courtes et les femmes. Ceux qui ont une carrière longue cotisent plusieurs trimestres sans bénéfice. On est loin du principe « à cotisations égales, retraites égales ». Deuxièmement, l'équilibre financier n'est pas durablement assuré. Le déficit des caisses d'assurance vieillesse avoisinera 25 milliards d'euros en 2030. On se heurte, là, aux limites de l'actuel système, qui distribue de faux droits en promettant des pensions sans savoir s'il disposera des ressources pour les financer. Une vérité crue, illustrée par un dessin qui a fait le tour du monde : Madoff interrogé sur l'origine de son escroquerie, répond piteusement : « Je me suis inspiré du régime de retraite des Français. »

Le moment de vérité a longtemps été repoussé. Grâce à l'inflation, d'abord, qui permettait de payer ces faux droits en fausse monnaie. Par l'augmentation des cotisations, ensuite. Par la fuite en avant dans l'endettement des générations futures, enfin. Cette dernière voie est aujourd'hui bouchée. Les faux droits à la retraite ne peuvent qu'être dévalués. C'est le sens du recul de l'âge de la retraite. Mais à la liquidation des engagements intenables par des épreuves successives (1995, 2003, 2010), mieux vaudrait instituer un système de vrais droits, celui de la retraite par points.

Longtemps promu à droite et au centre, un tel régime par points trouve aujourd'hui des partisans à gauche. Depuis le début, la CFDT prône une retraite par points calquée sur le modèle suédois, tout comme Jacques Attali, Thomas Piketty ou Terra Nova. Le PS lui-même propose un système qui s'y apparente : fondé sur un « compte temps » qui permettrait une « retraite choisie ». Qu'importe alors l'âge officiel de la retraite dès lors que, comme doivent en convenir les socialistes, celle-ci se devra d'être minorée par rapport à la retraite à 62 ans. Il y a une certaine satisfaction pour l'auteur de ces lignes, qui a promu un tel projet en 2004 dans un livre cosigné avec l'économiste Jacques Bichot - « Quand les autruches prendront leur retraite » -, à relever un tel consensus.

On peut déjà dessiner les contours de la prochaine réforme. Des droits à pension calculés en points : chaque euro cotisé donnerait droit à des points, comme dans les systèmes complémentaires Agirc-Arrco. Les pensions seraient proportionnées au nombre de points accumulés au cours de la vie. Un équilibre financier assuré : la valeur d'un point serait déterminée en fonction des recettes des caisses. Seul l'argent disponible serait distribué. La valeur du point inciterait à travailler davantage. Un simple calcul économique, plutôt que des querelles politiques, permettrait de fixer la valeur du point.

Pour bénéficier d'une pension plus élevée, trois choix seraient possibles : travailler plus longtemps, cotiser davantage ou souscrire une retraite complémentaire. Une retraite à la carte avec neutralité actuarielle : fini le même âge de départ pour tous. Chacun pourrait choisir son âge de départ en fonction de sa situation personnelle. Les pensions seraient proportionnelles aux cotisations mettant fin aux décotes pénalisantes et aux injustices.

Les droits acquis respectés : un système par points permettrait l'intégration progressive de tous les régimes au sein d'un régime universel incluant les régimes spéciaux. La pluriactivité ne serait plus pénalisée : les points acquis en tant que salarié du privé, puis en tant qu'indépendant ou que fonctionnaire s'additionneraient simplement. Les actifs menant de front plusieurs activités cumuleraient leurs points.

Les avantages familiaux refondés : les mères de famille obtiendraient des points de compensation pour chacun des enfants qu'elles auront élevés. Ainsi serait valorisé l'effort démographique essentiel à un système de retraite par répartition. Complété par l'impôt pour la solidarité nationale : un régime de vrais droits ferait assurément apparaître des problèmes de pensions minimums ou de catégories marginalisées pour lesquelles il est légitime de faire appel à la solidarité nationale et donc à l'impôt. La différence politique autour d'un système par points se cristalliserait sans doute sur la part réservée à cette solidarité nationale et sur le type d'impôt mobilisé, mais au moins cela se ferait sur des bases claires. Vivement donc la prochaine réforme ! Le chef de l'État et le Sénat gagneraient, dans leur sagesse, à engager dès maintenant une réflexion indépendante pour préparer le rendez-vous de 2013.

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